La vie liturgique se développe et se structure, à partir d’une source commune (très certainement Jérusalem et Antioche, c’est-à-dire la province de Syrie, où est né le christianisme), mais avec une évolution différente en Orient et en Occident, en fonction des cultures. Il en résultera deux grandes familles liturgiques, orientale et occidentale, avec de nombreux rites différents dans chaque famille, qui se compénètrent et se complètent. Il y a des richesses et des déficiences dans tous les rites.
Les évènements (surtout les « grandes invasions ») vont bouleverser le paysage politique. l’ Empire romain disparaît en Occident à la fin du 5e siècle : de nouveaux royaumes vont apparaître, préfigurant les nations d’Europe occidentale. En Orient l’Empire se maintient, mais, à partir de la fin du 7e siècle, il devient un empire grec (l’Empire byzantin).
Toutefois ces bouleversements ne changent rien à la nature de l’Eglise ni à son mode de vie.
Pendant le premier millénaire l’Eglise a connu une réelle unité (malgré les schismes et les hérésies) qui permet de la qualifier d’Eglise indivise, mais c’est une unité dans la diversité et dans la liberté4, une unité de foi dans la diversité des rites. C’est aussi une unité d’esprit et de mode de vie, avec un certain nombre d’usages communs5. L’Eglise est une symphonie d’églises locales, d’Eglises-sœurs qui sont en communion.
Cependant, de grands bouleversements politiques surviennent en Occident à partir
du milieu du 8e siècle : ils auront des conséquences graves sur la théologie,
l’ecclésiologie et le mode de vie de l’Eglise, et conduiront directement au schisme
du 11e siècle. Nommons-les sans les détailler :
- L’alliance politico-religieuse entre Pépin-le-Bref et le pape Etienne II en 754 (le pape de Rome cautionnait l’usurpation des Carolingiens vis-à-vis des Mérovingiens et recevait en échange une protection contre les Lombards, et éventuellement contre Constantinople), qui entraînera la création d’un Etat pontifical en Italie centrale, basée sur un faux, la pseudo-Donation de Constantin. Il en résultera :
- l’apparition d’un nouvel Empire en Occident, carolingien (franc) à partir de 800 (Charlemagne) [auquel succèdera un Empire germanique en 962] concurrent de l’Empire byzantin,
- une intervention très forte de Charlemagne et de ses successeurs dans les affaires religieuses :
. imposition du rite romain (qui était le plus local de tous les rites et le seul à ne pas avoir d’épiclèse) à tous ses Etats (qui entraînera la disparition du rite des Gaules6, effective vers le milieu du 9e siècle), ainsi que de la Règle de St Benoît (disparition de toutes les autres règles7)
. à partir de 809, imposition du Filioque dans le Credo. Rome résistera pendant plus de deux siècles8 (c’est l’empereur germanique Henri II qui l’imposera définitivement en 1014). Ce sera la cause principale du schisme de 1054.
- Apparition des fausses décrétales isidoriennes au 9e siècle, qui constituent le point de départ de l’idéologie papale, affirmant la primauté universelle du pape de Rome.
- Des changements sacramentels graves vont aussi s’opérer vers le 9e siècle en Occident :
. utilisation du pain azyme pour l’Eucharistie (contrairement à l’usage universel)
. suppression de la communion au précieux sang pour le peuple.
(4) C’est une expression classique de l’ecclésiologie orthodoxe, mais l’ajout de « et dans la liberté » vient de la Confrérie Saint-Photius (voir p. 5).
(5) Par exemple : l’usage du pain levé pour l’eucharistie, la communion pour tous sous les deux espèces, la coexistence d’un clergé marié et d’un clergé continent, un signe de croix universel (épaule droite puis gauche, comme le font encore les Orthodoxes)…
(6) Maxime Kovalevsky l’appelle « rite paneuropéen », parce qu’il était célébré dans toute l’Europe occidentale, avec des variantes (mozarabe en Espagne, ambrosien en Italie du Nord, celtique dans les îles britanniques,…). Il possède une véritable épiclèse, invocation à l’Esprit-Saint après l’Institution, pour qu’Il consacre les dons.
(7) Disparition des Règles de Ligugé (St Martin), de Lérins (St Honorat), de Marseille (St Jean-Cassien), de St Colomban et de bien d’autres.
(8) Surtout Léon III(795-816) qui fit graver sur des plaques d’argent le Credo sans le Filioque, en grec et en latin «par amour et pour la sauvegarde de la foi orthodoxe » et les fit déposer au-dessus des tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, ainsi queJean VIII (872-882).
Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale
- Université d’été 2013-