« À Moqattam, l’église Saint-Simon a été protégée toute la nuit par des chrétiens et des musulmans »
La chaîne TSR (chaîne nationale suisse) a diffusé un mini reportage sur les évènements qui ont eu lieu au Moqatam ces derniers jours. La chaîne est revenu sur les lieux, et a montré les dégats causé par les affrontements entre musulmans et chrétiens dans ce quartier.
Après ces évènements le site Famille Chrétienne, vient de mettre en ligne une excellente interview de Hanane, directrice de l’école Saint-Vincent-de-Paul d’Abassir, ou la moitié des élèves proviennent du quartier des Zabaleen :
Treize morts et près de 165 blessés, c’est le dernier bilan – selon le « Daily News Egypt » – des affrontements à Moqattam entre chrétiens et musulmans, le 7 mars. Témoignage de Sr Hanane, Fille de la Charité, directrice de l’école Saint-Vincent-de-Paul d’Abassir. Près de 50 % de ses élèves proviennent de ce quartier pauvre.
Hanane veut dire tendresse. Elle est directrice de l’école Saint-Vincent-de-Paul d’Abbassir au Caire. En Égypte, « Hanane » est un des noms de la Vierge. Il convient comme un gant à cette Sœur de la Charité qui distribue chaque jour son trésor de patience à une jeunesse assoiffée d’idéal. Une soif inextinguible au lendemain de la révolution. Ce matin, elle se frotte les mains parce que le thermomètre est descendu sous la barre des 10 °C. Peut-être aussi parce que la nuit a été longue. Des appels incessants en provenance de Moqattam, juste après les émeutes dites « interconfessionnelles » qui ont fait 13 morts (dont 5 musulmans) et 165 blessés. Près de la moitié des élèves – de la maternelle à la terminale – sont en effet issus de ce quartier pauvre. Des enfants des chiffonniers. Beaucoup manquent ce matin à l’appel, terrés à la maison. Pour Sr Hanane, le carême a le goût des cendres – plusieurs maisons ont été incendiées – et du sang. Elle prie pour ses élèves, pour leurs parents, pour l’Égypte. Elle implore le Ciel que cette révolution de la place Tahir qui a soulevé un nouvel horizon civique ne se termine pas en cul-de-sac politique.
Comment estimez-vous la situation au lendemain des émeutes de Moqattam ?
Ce matin (10 mars), nous n’avons pas envoyé les autocars. On nous dit que c’est plus calme mais les cœurs ne sont pas encore libérés. Hier, jusque tard dans la nuit, nous avons été assaillies de coups de fil par les mamans : « On nous attaque ! Nous ne savons pas quoi faire ! » ; « Nous sommes bloqués dans nos maisons ».
Quelle est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres ?
Les heurts entre chrétiens et musulmans, ce n’est pas nouveau… Ce qui est neuf, c’est l’ampleur du désastre, même s’il faut toujours se méfier de la rumeur. Tout a commencé par une manifestation entre Moqattam et Mascero pour réclamer la reconstruction d’une église détruite à Soul par des fanatiques musulmans. Les manifestants coptes ont bloqué la route. Et puis les choses se sont envenimées. Des jets de pierre entre chrétiens et musulmans, les tanks de l’armée, des coups de fusils en provenance des militaires, de bandits ou de salafistes… Difficile à dire.
Musulmans et chrétiens sont-ils condamnés à s’affronter en Égypte ?
Non. Parmi les musulmans, il y a quelques fanatiques mais aussi des gens capables d’accepter l’altérité. L’ignorance joue un grand rôle dans tout ça. Le manque d’éducation et la propagande de certains imams extrémistes font le reste. Mais il n’y a pas de fatalité ! La preuve, c’est que l’église Saint-Simon, en bas de Moqattam, a été protégée toute la nuit par des chrétiens et des musulmans du quartier qui redoutaient que ces bandits reviennent pour l’incendier. Dans notre école, les relations sont bonnes. Un tiers de nos élèves sont musulmans. Leurs parents ont été les premiers à nous soutenir après les attentats d’Alexandrie. Certains pleuraient à chaudes larmes.