D’après le travail du Hiéromoine Conrad
LE CONCEPT DE LA CANONICITE EN SES DEUX ASPECTS
Nombreux sont les Fidèles Orthodoxes qui se questionnent sur le sens réel du mot
“canonique” ou “non canonique” attaché à une Eglise. Pour être tout à fait franc, cette
question est assez difficile à résoudre, au vue de sa complexité. Cependant, il est nécessaire
d’expliquer que trop souvent, sa compréhension part d'un concept erroné (voire simpliste)
qui pousse à confondre la vraie Canonicité de l'Église avec la reconnaissance Officielle du
Siège de Constantinople.
Pour commencer nous devons affirmer que toute Église qui obéit fidèlement aux canons
proclamés par les 7 Conciles Oecuméniques est en elle-même " canonique", c'est-à-dire
qu’elle porte en elle-même la canonicité. Quant aux spécialistes de l'ecclésiologie orthodoxe,
ils définissent les deux aspects de la canonicité par: 1- La Canonicité Dogmatique, c'est-àdire
la conservation fidèle des Vérités de Foi, léguées par Notre Seigneur au genre humain à
travers Son Église, au moyen des Écritures Sacrées, des résolutions des Conciles
Oecuméniques et 2- La canonicité administrative, davantage liée à la Tradition canonique
(et qui, en occident se traduirait par le « Droit Canonique » dont le livre central est la
collection des canons du Pédalion. Celui-ci régit l'ordre à l'intérieur de l'Église dans son
pèlerinage sur la terre.
Bien évidement, le plus important est le premier aspect (la garde de la Foi); cependant il ne
faut pas mépriser le deuxième, puisque la Canonicité Administrative, garde à travers ses
normes pastorales, le reflet des coutumes ecclésiastiques et ecclésiales de la pureté de la Foi
Orthodoxe.
Cependant, si nous sommes honnêtes, nous devons reconnaître qu’il n'existe pas vraiment
d'accord encore bien clair et défini puisque ce sujet de la canonicité est encore intensément
débattu au sein des Églises Patriarcales... Car il est bien connu que le Patriarcat de Moscou
s'adjuge également, en tant qu'Eglise patriarcale le droit de reconnaître à une Église la
canonicité. Le meilleur exemple en est l'"Église Orthodoxe en Amérique" ou "O.C.A"
(« Orthodox Church in America »), à laquelle le Patriarcat de Moscou a accordé un "Tomos
d'Autocéphalie" (document qui proclame l’indépendance canonique d'une Eglise), ce qui
équivaut à proclamer sa "Canonicité" devant tout le monde Orthodoxe. Cependant,
Constantinople lui refuse (à l'O.C.A) cette reconnaissance, créant ainsi une situation très
irrégulière de confusion, puisque tandis que les Patriarcats comme ceux de Moscou, de
Serbie, ou de Géorgie reconnaissent la canonicité de l'autocéphalie de l' "O.C.A", les
Patriarcats de Constantinople, Jérusalem et d'autres Églises Autocéphales du monde
héllénique nient la dite reconnaissance, en la considérant par conséquent comme une
Juridiction d'autocéphalie non reconnue ou "non-canonique"
En réalité il y a deux manières, schématiquement, d'accorder le statut Canonique à une Église
Orthodoxe:
· soit par un "Tomos d'Autocéphalie" (Bulle d'autocéphalie) :
· soit par un "Tomos d'Autonomie" (Bulle d'Autonomie).
Il existe une troisième voie: l'"absorption" comme dans le cas de l'Église Orthodoxe de
Hollande, qui, après avoir passé sous l'orbe de Moscou, s'est dissoute en lui pour devenir un
simple diocèse.
La discussion au sujet du droit d’une Église Orthodoxe à octroyer un Tomos d'Autocéphalie à
une Église une fille (sujet auquel la question de la Canonicité est indisolublement liée) en est
arrivée malheureusement à se transformer- en 1996-, en une dispute aigre entre canonistes,
portant sur ces questions, et qui s'échauffa à tel point qu'elle faillit créer une rupture entre le
Patriarcat de Moscou et le Patriarcat Oécuménique. Ce triste contentieux sera finalement
dépassé grâce à l'action du Saint Esprit et à la sagesse des deux Patriarches: Alexis II de
Moscou et Bartolomé I de Constantinople.
C'est une vérité établie qu'il existe une très forte rivalité entre le Siège de Constantinople et
le Siège de Moscou. Tandis que le premier est à la tête des Églises Orthodoxes du monde
Hellénique, le deuxième est à la tête des Eglises Orthodoxes du monde Slave. Il en résulte
qu'à plusieurs reprises, les Églises Autonomes qui obtiennent leur Tomos de la part du
Patriarcat de Constantinople, ne sont pas reconnues par le Patriarcat de Moscou, et par
conséquent du reste de toute une partie des Églises Orthodoxes Slaves. C'est le cas de l'
"Église Orthodoxe Ukrainienne des Etats-unis et la Diaspora" ou de l' "Église Catholique
Orthodoxe Carpatho-Ruthène en Amérique". De son côté, le Patriarcat de Constantinople ne
reconnaît pas la Canonicité du Tomos d'Autocéphalie octroyé par Moscou à l' "Église
Orthodoxe en Amérique" (O.C.A), ou la Canonicité du Tomos d'Autonomie octroyé par le
Patriarcat Russe à l'"Église Orthodoxe du Japon". Par solidarité avec Constantinople, les
Églises Orthodoxes comme celles de Jérusalem ou de Chypre, ne les reconnaissent pas non
plus...
Comme exemple valable illustrant les faits cités ci-dessus, nous pouvons ici exposer un cas
qui s'est passé en Amérique latine, il y a seulement quelques années.
A la suite d'une crise engendrée par la suppression de la charge du Métropolite Jean (Joao)
d'Aldeia (de la Province Ecclésiastique de l'Espagne, du Portugal et du Brésil) dépendant du
Saint Synode de l'Église Orthodoxe de Pologne (sous l'orbe du Patriarcat de Moscou),
quelques prêtres et des ecclésiastiques de la région d'Aldeia décidèrent en conscience
d'abandonner l'Archidiocèse de Río de Janeiro (dépendant de la Juridiction polonaise –monde
slave -), pour se placer sous la juridiction du Diocèse d'Amérique du Sud dépendant de l'
"Église Orthodoxe Ukrainienne des Etats-Unis et la Diaspora" (sous l'orbe du Patriarcat de
Constantinople – monde hellénique -). Quand les ecclésiastiques d'Aldeia (suivant ce qui est
stipulé dans le Pédalion), sollicitèrent l'autorisation du Métropolite Sabas de Varsovie afin de
changer de juridiction, celui-ci refusa d'accorder sa bénédiction, alléguant que la Juridiction
Ukrainienne à laquelle ces ecclésiastiques voulaient appartenir n'était pas considérée comme
Canonique par son Synode. Rappelons ici que les Ukrainiens étaient sous la Protection de
Constantinople, et que par conséquent, en sa qualité de Métropolite de Pologne (lié à
l'influence du Patriarcat de Moscou), il ne pouvait pas leur donner son autorisation. Quelques
temps plus tard, les ecclésiastiques d'Aldeia décidèrent de se placer sous l'autorité du
Patriarcat Serbe, sous l'Omophore (la Protection) de Monseigneur Mitrophan.
Une autre manière d'offrir une reconnaissance canonique à une Église Orthodoxe, comme
nous l'avons déjà dit plus haut, se fait grâce à un "Tomos d'Autonomie" mais dans ce cas, sa
Canonicité repose - au sens le plus ontologique - sur celle de son Église-Mère, bien plus que
dans la reconnaissance des autres Juridictions Orthodoxes.
Quelques auteurs proposent, de ne pas utiliser indûment les termes d'"Églises Canoniques" ou
"Non canoniques", afin de les remplacer par ceux d' "Églises Officielles" et d' "Églises Nonofficielles".
Cependant cher lecteur, je dois dire que les termes "Officiel" et "Non Officiels"
me semblent trop imprégnés de l'esprit du siècle, c'est-à-dire qu'ils sont en fait très politiques
et appartenant au monde laïc. Aussi, si on doit au monde laïc ce terme d'"Officiel", il
n'apporte aucune précision, puisque des "Églises Orthodoxes Officielles" peuvent très bien
exister sans pour cela être reconnues comme telles par le Siège de Constantinople. C'est entre
autre exemple le cas de la République du Monténégro, où l'État reconnaît comme Église
Officielle du pays l' "Église Orthodoxe du Monténégro" qui est loin d'être considérée
"Officielle" par le Siège de Constantinople ou par un autre Patriarcat.
Personnellement, je préfère parler d' "Églises Orthodoxes en Communion avec
Constantinople" et "d' Églises Orthodoxes sans Communion avec Constantinople", parce qu'il
me semble que, malgré l'imprécision de ces expressions, on arrive à dessiner un peu mieux la
situation, d’une Église qui est génétiquement orthodoxe quand elle est canonique. Pour cette
raison, nous pouvons affirmer qu'il n'existe pas et qu'il ne peut exister une Église Orthodoxe
Non-canonique, puisque cela impliquerait une grave contradiction dans les termes.
L'Orthodoxie, comme nous le savons tous repose d'une manière indissoluble sur les deux
aspects de la Canonicité:
1- Dogmatique : qui repose sur les Écritures Sacrées, les résolutions des VII Conciles
Oecuméniques et la tradition des Saints Pères, et
2- Administrative : laquelle s'appuie sur la Tradition Canonique, exprimée dans le Pédalion.
Ces deux aspects constituent en pratique la Canonicité de l'Église et elles sont étroitement
lieés entre elles, de façon à ce que l'on ne puisse pas concevoir un aspect isolément de l'autre.
LES SIX SITUATIONS CANONIQUES
Il est important de souligner que le statut de la Canonicité d'une Église n'est pas bloqué,
monolithique, ou statique, mais bien au contraire, c'est un phénomène dynamique. En effet
l'Église, comme créature de Dieu, est une Institution "Vivante". Elle est assistée par l'Esprit
Saint qui lui donne sa dimension Transcendante et la dote de la Stabilité du Dieu Immuable
(Christ hier, aujourd'hui et toujours). Elle est aussi gouvernée par des hommes, lesquels
peuvent être saints ou pécheurs, vaillants ou timorés, prudents ou téméraires. Mais au delà de
leurs qualités personnelles, ils appartiennent à une Institution qui les dépasse dans son
Mystère abyssal. Pour cette raison, nous ne devons pas nous scandaliser par les va-et-vient
qu'une Juridiction peut expérimenter au long de son Histoire, parce que cette instabilité n'est
pas fruit du Chaos, mais le fruit, parfois rendue amer, de la liberté immense que Dieu accorde
à l'homme, plus que jamais concerné par Sa Mission rédemptrice. Le sujet de la Canonicité,
cher lecteur n'est pas un sujet qui se situe loin de l'Homme. La réalité Surnaturelle de l'Église
restera présente et Immuable jusqu'au jour de la Parousie, quoique le quotidien de la réalité
ecclésiastique variera aussi jusqu'au dit jour. Une fois ce point éclairci, (et qui n'est pas des
moindres), nous pouvons nous mettre regarder avec un esprit plus éclairé, toutes ces variantes
qu'une Église peut expérimenter durant la durée de sa vie institutionnelle.
Commençons donc en disant, qu'une Juridiction Orthodoxe peut se trouver dans l'une de ces
six situations canoniques que nous allons détailler. Il est important de tenir compte du fait
que ces situations peuvent varier avec le temps, comme nous le verrons par la suite.
A- EGLISES NON CANONIQUES - Dans le sens le plus absolu du terme-
Il est facile pour n’importe quel fidèle orthodoxe de naviguer sur Internet, et de découvrir, à
sa grande surprise, une véritable constellation de petites Eglises «vagantes » (groupuscules)
qui adoptent le terme “Orthodoxe” dans leur dénomination et qui manquent d'un corps
doctrinal clair, d'une tradition liturgique byzantine et d'une ecclésiologie orthodoxe. En
général, ces "Églises" mentionnées manquent également d'une Succession Apostolique
d'origine byzantine. Un exemple parlant de ce type d'Églises est l' "Église" dénommée "Eglise
Orthodoxe Inclusive", qui a une Succession Apostolique d'origine Romaine (Duarte Costa).
Elle utilise un Rite dénommé "des Amériques" et possède un ordre monastique de type
catholique romain, totalement étranger à l'ecclésiologie orthodoxe. Il me semble important ici
de bien préciser qu'il est fait ici une analyse ecclésiologique sur la situation canonique d'une
Juridiction déterminée. Elle ne devra en rien se confondre avec un jugement humain sur
l'honorabilité ou la sainteté des membres de ces groupes, qu'ils soient ecclésiastiques ou laïcs.
Il y a eu un autre cas difficile (au moins dans son apparence extérieure) au début du XXe
siècle en Ukraine, où un groupe de prêtres ordonnèrent, avec la reconnaissance de l'État
Ukrainien, un candidat à l'épiscopat ( !) pour se constituer en Église Orthodoxe Autocéphale
en Ukraine. Dans ce cas, évidement, aucun pontife orthodoxe n' a avalisé l'action des
independentistes ukrainiens, puisque eux-mêmes ont fondé, à partir de leur sacerdoce un
épiscopat sans aucune racines et succession apostoliques, avec une violation flagrante des
dogmes et de l'ecclésiologie de l'Église. Cette Juridiction a eu une existence éphémère,
puisqu'elle a été dissoute rapidement par les autorités soviétiques après qu’ils aient annexé
l'Ukraine à URSS.
Note du traducteur: Comme on le verra plus tard dans cet exposé, la partie survivante de cette "Eglise" ukrainienne s'exilera aux Etats-Unis et se structurera de manière étonnante. Quelques temps plus tard (dans les années 40), elle recevra enfin une succession apostolique par l' Eglise Orthodoxe Syrienne (canonique et non syriaque) aux Etats-Unis, et d'autre part de la succession apostolique donnée par l'Eglise Russe Hors
Frontière à l'Eglise Ukrainienne en Europe, (via l’Eglise Orthodoxe polonaise) . L’Ukraine obtenant son indépendance nationale, cette Juridiction sera intégrée à l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du Patriarche Mstyslav.
Dans ces cas, on peut observer que la violation de la Canonicité Administrative est tellement
flagrante qu'elle touche au concept même du Sacrement, en compromettant sérieusement
l'orthodoxie doctrinale de l'Église. Ces exemples sont utiles pour démontrer comment une
violation de l'aspect Canonique Administrative peut engendrer des attitudes théologiques
hétérodoxes qui lui servent de soutien sur le plan doctrinal.
B- EGLISES A LA CANONICITE DOUTEUSE
Des Juridictions de Foi authentiquement Orthodoxe se trouvent parfois dans cette situation. A
causes de diverses circonstances, elles se retrouvent dans l'impossibilité de disposer d'un
Synode d'Évêques qui les gouverne. Dans ces cas, le seul Évêque présent, en utilisant le
Canon de Nécessité, ordonne à l'épiscopat quelques prêtres, en contredisant le premier des
Canons Apostoliques. Celui-ci établit qu'un Évêque devra être consacré par deux ou trois
autres Evêques. Cette situation anormale met la dite Église dans une situation Canonique
irrégulière, bien qu'elle ne puisse pas être considérée pour ce motif comme invalide.
Cette situation amère a été expérimentée par la "Église Vétero Calendariste de Roumanie"
dans ses commencements. Elle n'avait aucun évêque jusqu'à ce qu'en 1955, un évêque retiré (à
la retraite) du Patriarcat de Roumanie se joigne à eux. Le nom de cet évêque était Galaction.
Sentant sa fin arriver, il dû consacrer seul trois nouveaux évêques. L'un d'eux Glicherie, fût
canonisé par par sa Juridiction, en devenant Saint Glicherie de Roumanie. Cependant cette
Église pu en 1979, (avec le secours du Synode Vétero- Calendariste Grec de
l'Archevêque Kallistos), réparer cette situation, en reconsacrant toute la hiérarchie de
cette Eglise roumaine.
C- EGLISES A LA CANONICITE INCONSTESTABLE, MAIS NON RECONNUES.
Il s'agit de Juridictions authentiquement Orthodoxes qui ont reçu leur Succession Apostolique
d'une hiérarchie orthodoxe de validité indubitable, et qui dans beaucoup de cas ont reçu l'aval
de leurs Églises-Mères.
Ces Églises sont en général, des émancipations ou des scissions des Patriarcats ou de grandes
Juridictions, comme cela est le cas de l' "Église Orthodoxe de Macédoine". Dans le premier
cas, les Évêques Macédoniens appartenant au Synode Serbe ont unilatéralement décidé de
proclamer leur autocéphalie. Dans le deuxième cas, on a l' "Église Orthodoxe Russe en
Exil"(dite "Eglise orthodoxe russe Hors-Frontières) où un groupe d'Évêques se détachent du
Patriarcat de Moscou pour créer une Juridiction parallèle (cas de nécessité).
Note du traducteur: L'Eglise Orthodoxe Hors Frontière ( ou « Eglise Orthodoxe en Exil) s'est constituée lors de l’Exil des russes fuyant en Europe. La raison de cette création sont les liens funestes que le Patriarcat de Moscou entretenaient avec le Régime communiste. Les bolcheviques firent main basse sur le Patriarcat de Moscou et n'hésitèrent pas, par la suite à persécuter furieusement la Foi orthodoxe sur le sol russe. Le synode de l’Eglise Russe Hors Frontière se « réconciliera » en 2007 avec le patriarcat de Moscou entrant de
ce fait « en pleine communion » avec lui.
Un élément essentiel qui fait la Canonicité d'une Eglise et sa dimension ecclésiale d'origine,
ou, pour le dire d'une manière plus précise: Une Eglise Orthodoxe tient toujours son origine
d'une autre Eglise Majeure. Sans cet élément, il n'existe aucune possibilité de Canonicité
quelconque. A la différence de la conception occidentale, une Hiérarchie sans peuple ne peut
fonder une Juridiction, puisque celle-ci ne serait pas rattachée à une réalité ecclésiale plus
grande. Dans la conception Occidentale, l'aspect premier est la validité de la Succession
Apostolique. Cependant dans l'Ecclésiologie Byzantine, si c'est un élément décisif, ce n'est
pas l'unique.
Un exemple donné ici dans ce sens est celui de l' "Église Orthodoxe Autocéphale du
Monténégro", qui en 1993, par une décision active de la population monténégrine elle-même,
a résolu retrouver son état antique autocéphalie qu'elle détenait deux siècles auparavant.
L’Eglise monténégrine était reconnue à cette époque par l'Église Orthodoxe Russe, le
Patriarcat Oecuménique, et même par l’ Église Orthodoxe Serbe elle-même jusqu'en 1920 où
elle s'est trouvée fragilisée - pour des motifs politiques – puis dissoute à l'intérieur du
Patriarcat Serbe. A l’inverse des cas cités plus là-haut(plus en haut), la hiérarchie Épiscopale
Monténégrine, n'est pas un produit d'une scission, ni d'une émancipation du Patriarcat Serbe,
mais plutôt un fruit de l’expression du Peuple de Dieu au Monténégro, - comme dans le cas
des vétero-calendaristas grecs. Notons que la lignée apostolique actuelle Monténégrine est d'
origine bulgare.
Une autre Juridiction (qui correspond bien à cet aspect peu explicité de la Canonicité) est la
« Métropole Orthodoxe Autonome d'Europe Occidentale et des Amériques", qui a reçu
son Tomos d’Autocéphalie de « l’Église Orthodoxe Vétéro-calendariste de Grèce", ainsi
que de "l’Église Orthodoxe d’Ukraine" - Patriarcat de Kiev-. Cette Métropole Orthodoxe
vétéro-calendariste bénéficie également d’une déclaration de reconnaissance de l'Église
Orthodoxe Ukrainienne des Etats-Unis, (Juridiction du Patriarcat de Constantinople), par
laquelle, elle est reconnue comme " Église-Soeur, égale en droits et en dignité" ; ce qui fait
d’elle un clair exemple d’ecclésialité dont nous avons parlé.
Un autre aspects de la Canonicité indiscutable de ces Juridictions, est la reconnaissance tacite
qu'elles reçoivent des Églises Patriarcales, lesquelles ont l'habitude d’estimer valides les
sacrements administrés par elles, y compris en validant officiellement les ordres sacerdotaux
ou épiscopaux conférés au sein de ces Églises Orthodoxes.
D- LES EGLISES DONT LA CANONICITE EST INCONTESTABLE MAIS
PARTIELLEMENT RECONNUES
C'est le cas de l'Église Orthodoxe en Amérique ou O.C.A . Cette Juridiction qui jusqu'à la Révolution Bolchevique de 1917 était une partie organique de l'Église Orthodoxe Russe, en qualité de Diocèse d’Amérique du Nord.
En avril 1924, elle proclame son autonomie, quoique nourrissant une "communion
spirituelle" avec le Patriarcat de Moscou.
En 1935, cette Juridiction décide de se mettre sous la Protection Canonique de l'Église
Orthodoxe Russe Hors Frontière –conservant toujours son autonomie.
La situation changera en 1946, où les Évêques de l'O.C.A, décidèrent de reconnaître le
nouveau Patriarche de Moscou, comme sa Tête spirituelle, bien que continuant à exercer son
autonomie administrative.
Vers le 1970, le Patriarcat de Moscou accorde le statut d'autocéphalie à cette Métropole.
Celle-ci adopta le Nom « d’Eglise Orthodoxe en Amérique » : "Orthodox Church in America"
(« O.C.A.). En conséquence de cet acte souverain du Patriarcat Russe, il y eu un épistolaire
tendu entre Moscou et Constantinople. Dans ces courriers, le Patriarcat Oecuménique
contestait à l’autorité de Moscou le fait qu’il accorde le dit statut (d’autocéphalie) à son Eglise
Fille.
Ce conflit n'a toujours pas été résolu quoique que les relations entre l'O.C.A. et le Patriarcat
Oecuménique soient relativement harmonieuses. La conséquence pratique de cette situation
est qu’il y a des Églises Orthodoxes Autocéphales qui reconnaissent pleinement l'Église
Orthodoxe en Amérique (comme l'Église Orthodoxe Russe, l'Église Orthodoxe de Roumanie,
ou celle de Géorgie) et les autres (comme le Patriarcat de Constantinople) qui ne
reconnaissent pas son statut d'autocéphalie. Cela crée un Lieu de marginalité canonique
puisque la dite Juridiction serait actuellement empêchée de participer (de part sa situation
canonique) à un éventuel Concile "Pan Orthodoxe"…
Les autres cas dont nous pouvons parler dans cette catégorie, sont celles qui incluent une
grande partie des Eglises Orthodoxes autonomes, puisque dans ces cas apparaît une forte
rivalité entre le Siège de Constantinople et le siège de Moscou. Le Phanar, par exemple, ne
reconnaît par le Tomos d’Autonomie que le Patriarcat de Moscou a concédé à l’ “Eglise
Orthodoxe du Japon”, puisque le siège de Constantinople s’arroge le droit exclusif de
l’accorder aux Églises qui se trouvent en dehors du Territoire Canonique d'une autre Église
Locale. De son côté, le Patriarcat de Moscou ne reconnaît pas (entre autres) la canonicité, de
l’ "Église Orthodoxe Ukrainienne des Etats-Unis et de la Diaspora", ainsi que de l’ "Église
Orthodoxe Ukrainienne du Canada" ou encore, celle de l’ "Église Orthodoxe d’ Estonie"
(reconnues elles par Constantinople). Puisqu'il (le patriarcat de Moscou) les considère comme
des fruits de dissidences par rapport à Lui. Rappelons ici que l’Eglise Orthodoxe Russe
revendique l'Ukraine et l'Estonie comme appartenant à son territoire canonique naturel.
Quoique ces Eglises ne se trouvent pas sur le territoire russe à proprement parlé, le patriarcat
de Moscou vit la reconnaissance de Constantinople à ces Eglises (situées dans les ex pays de
l’URSS) comme une intrusion du Phanar dans ses affaire ecclésiastiques internes. Par
solidarité les Églises Orthodoxes Slaves, comme l'Église Orthodoxe de Pologne, ou de
Tchécoslovaquie ne reconnaissent pas ces Églises comme étant canoniques.
En réalité, il s’agit d’un cas extrêmement rare. Il a eu lieu une seule fois dans l'Histoire de
l'Église Orthodoxe, durant les années tumultueuses de la Russie Bolchevique lors des
premières décennies du XXe siècle.
Nous allons résumer ici son histoire :
Le 14 mai 1922, un groupe de prêtres mécontents, fédérés par Alejandro Wedensky, publiait
un manifeste dans le journal bolchevique Izvestia, dans lequel il accusait la direction
ecclésiastique d’être contre-révolutionnaire. Il demandait au gouvernement la faculté de
pouvoir convoquer un concile local. Le 29 mai se réunissait une petite assemblée constituante
(…) composée des groupes suivants : l’"Église vivante", dirigée par le prêtre Krasnitsky; la
"Vieille Église apostolique", dirigée par Wedensky; l’"Église de la renaissance", dirigée par
l'évêque Antonino, ainsi que l’ "Église libre des ouvriers". Comme on pourra l’observer, ces
« Eglises » étaient récentes, peu sérieuses, et improvisées. Malgré cela, lors du « concile »
célébré en 1925 ces groupes (constitués en Eglise) pouvaient se féliciter de progrès
insoupçonnés : 9.939 églises, 11.057 prêtres et 176 évêques. (…) Dans le même temps, étaient
introduits dans la vie de l'Église quelques mesures radicalement nouvelles, comme le mariage
des évêques et les secondes noces des prêtres veufs.
Malgré toutes ces originalités, cette entité a été reconnue en 1924 par le Patriarche Grégoire
de Constantinople (le successeur de Meletios Metaxakis de sinistre mémoire, qui sympathisait
nettement avec ce genre d’idées). Bien que cette Eglise ait reçue une reconnaissance
éphémère, c’est la première fois que, dans le sens strict du terme, une Église non- canonique a
été reconnue comme légitime et canonique par le Patriarcat Oecuménique. Des années plus
tard, les mêmes autorités soviétiques qui avaient encouragée la naissance et l’essor de cette
Eglise liquidaient le problème, en forçant celle-ci à être absorbée par l'Église Orthodoxe
Russe. Lors du transfert de juridiction dans le Patriarcat de Moscou, ses hiérarques predirent
leurs dignités ecclésiastiques.
F- EGLISES DE CANONICITE INCONTESTABLES ET RECONNUES.
À l'intérieur de cette catégorie, on compte les Églises qui sont en Communion avec le
Patriarcat Oecuménique et de fait, toutes les Églises Orthodoxes qui sont dans la Communion
avec le dit Siège, comme les Patriarcats suivants : 1 - Jérusalem, 2- Antioche, 3-Alexandrie,
4- Moscou, 5- Serbie, 6- Roumanie, 7- Géorgie, et 8- Bulgarie.
On trouve également à l'intérieur de cette catégories beaucoup d'Églises Orthodoxes
Autocéphales et Autonomes qui sans être Patriarcales, sont reconnus par le Siège de
Constantinople; la majorité de celles-ci ont été reconnues comme indépendantes par principe,
lors de la première moitié du XXe siècle ; comme l'Église Orthodoxe de Pologne et l'Église
Orthodoxe de Tchécoslovaquie. Celles-ci ont reçu leur Tomos d'autocéphalie au dit siècle.
Comme exemple d’Eglises Autonomes, nous pouvons mentionner entre autres: "l’Église
Orthodoxe de Crète", « L’Eglise Orthodoxe de Grèce » (néo-calendariste), « Eglise
Orthodoxe de Pologne », « Eglise Orthodoxe du Sinaï »…