Le 21 jan 2011 le vice-premier ministre turc, Bulent Arinc, est revenu sur la question du statut du patriarcat oecuménique lors d'un entretien qu'il a accordé, à Ankara, au quotidien turc en langue anglaise Today's Zaman (interview publiée dans l'édition datée du 19 janvier). Il a souligné que, pour le gouvernement turc, aujourd'hui comme hier, il n'était pas possible de reconnaître le statut de personne morale au patriarcat oecuménique. " L'institution représentée par le patriarche grec orthodoxe Bartholomée Ier n'a pas de personnalité légale selon la législation turque actuelle ", a-t-il dit, avant d'ajouter : " mais elle existe ". C'est pourquoi, a-t-il poursuivi, " nous sommes en train de réfléchir à un arrangement qui permette de reconnaître l'existence du patriarcat, sans pour autant lui donner de personnalité morale, dans le respect du Traité de Lausanne et de nos lois ". Il a souligné que le même problème se posait pour la communauté catholique de Turquie et que le gouvernement d'Ankara avait été récemment interpellé à ce sujet par le pape de Rome Benoît XVI. " Pour l'instant, il n'est pas possible pour nous d'aller aux devants de la demande du Vatican qui réclame un statut de personne morale pour l'Eglise catholique en Turquie ", a-t-il affirmé.
" Nous devons nous débarrasser des peurs, des illusions et des préjugés. Le fait est que les différentes communautés religieuses de Turquie devraient être en mesure de vivre librement et paisiblement et que leurs demandes justifiées devraient être satisfaites. C'est là l'approche et la décision de l'AKP [le Parti de la justice et du développement, issu de la mouvance islamiste et qui est actuellement au pouvoir], même si certains responsables politiques trouvent une telle approche dangereuse ", a encore déclaré Bulent Arinc,. " Nous ferons tout ce qu'il faut conformément à la loi. Par ailleurs, si certains textes de lois sont insuffisants pour satisfaire ces demandes, nous prendrons les dispositions nécessaires parce qu'il s'agit de question de droits, et nous sommes très prudents en la matière ". Le vice-premier ministre turc a aussi affirmé que le gouvernement d'Ankara continuait à chercher une solution pour lever les obstacles légaux qui jusqu'à présent empêchent la réouverture de l'Institut de théologie de Halki. Fondé en 1844 dans les locaux du monastère de la Sainte-Trinité, sur une île proche d'Istanbul, l'Institut de théologie de Halki a été fermé sur ordre des autorités turques en 1971. Au cours des douze dernières années, le patriarche Bartholomée Ier est intervenu à plusieurs reprises pour demander sa réouverture, indispensable pour former les clercs et les théologiens dont le patriarcat a besoin. Sporadiquement, le gouvernement turc laisse entendre qu'il pourrait accéder à cette demande, sans que rien de concret ne se soit produit jusqu'à présent. La réouverture de l'Institut a également été inscrite sur la liste des exigences de l'Union européenne préalables à l'ouverture de négociations avec Ankara, en vue d'une adhésion de la Turquie à l'Union.
Par ailleurs, les officiels turcs invoquent régulièrement le Traité de Lausanne pour justifier leur point de vue selon lequel le patriarcat de Constantinople n'est qu'une simple institution turque et son primat n'est que le représentant de la minorité grecque d'Istanbul, auquel il refuse de reconnaître le titre de " patriarche oecuménique ". Signé par le gouvernement de Kemal Atatürk en 1923 après le drame d'Asie mineure et la fondation de la Turquie moderne, le Traité de Lausanne reconnaît les droits des minorités religieuses en Turquie, notamment dans son article 40 qui stipule : " Les ressortissants turcs appartenant à des minorités non musulmanes jouiront du même traitement et des mêmes garanties en droit et en fait que les autres ressortissants turcs. Ils auront notamment un droit égal à créer, diriger et contrôler toutes institutions charitables, religieuses ou sociales, toutes écoles et autres établissements d'enseignement et d'éducation, avec le droit d'y faire librement usage de leur propre langue et d'y exercer librement leur religion ".
source: SOP (service orthodoxe de presse) du 21/01/2011