On entend souvent, aujourd’hui, l’expression Pères de l’Eglise, mais il est parfois difficile de savoir exactement de quoi et de qui l’on parle. Quelques mots d’explication peuvent être bienvenus.
- Qu’est-ce qu’un Père de l’Église ?
On peut le définir ainsi : « un écrivain chrétien des premiers siècles de notre ère, dont l’orthodoxie (= la rectitude de la doctrine) est reconnue et dont la parole fait autorité dans l’Église. » Mais cette définition rend très peu compte du monde foisonnant des Pères.
- De qui parle-t-on, alors ?
Les Pères sont des chrétiens (évêques, moines, martyrs ou simples érudits) qui écrivent à partir des environs de l’an 100 : les apôtres sont morts, mais leur souvenir reste vif ; lesPères sont les successeurs directs des auteurs du Nouveau Testament ; les premiers d’entre-eux sont par exemple Clément de Rome (3e successeur de Pierre) ou Ignace d’Antioche (martyrisé en 110). La clôture de l’époque patristique est fluctuante : on parle du 5e siècle (avec Augustin ou Cyrille d’Alexandrie), du 7e (si l’on englobe Maxime le Confesseur), voire du 8e (avec Jean Damascène) ou plus tard encore.
- Pourquoi les appelle-t-on Pères ?
Les premiers chrétiens, à la suite de Jésus (voir les pèlerins d’Emmaüs) ont cherché en lisant l’Écriture sainte (pour eux, l’Ancien Testament, auquel s’adjoignit ensuite le Nouveau Testament) à comprendre et à décrypter ce qui s’était passé avec la venue du Christ. Puisque Dieu se révélait aux hommes, il convenait de scruter sa parole. C’est ce que firent les auteurs dont nous parlons aujourd’hui. C’est pourquoi, dans leurs écrits, les commentaires de l’Écriture et les homélies sont plus nombreux que les traités de théologie.
A partir du 3e siècle, on a commencé à prendre à témoin, à côté de l’Écriture, des textes de commentateurs particulièrement vénérés, dont les écrits faisaient « autorité ». Dans les discussions (par exemple lors des grands conciles œcuméniques), on citait non seulement des passages de la Bible, mais aussi des écrits des Pères. C’est ainsi que la Tradition apparut comme une seconde source de la doctrine qui s’élaborait. Mais attention à ne pas confondre « tradition » et « traditionalisme » ! Comme l’écrit un théologien, « la Tradition, c’est la foi vivante des morts ; le traditonalisme, c’est la foi morte des vivants » (Iaroslav Pélikan).
- Pourquoi lire les Pères aujourd’hui ?
Notre monde ressemble au monde des Pères : ils vivaient dans un monde « globalisé », d’abord par les conquêtes d’Alexandre, puis par l’Empire romain ; de ce fait, ce monde connaissait un brassage culturel qui par moment confinait au « choc des cultures » ; la coexistence de plusieurs religions (dont la nouvelle religion qui se réclamait du Christ) menait tantôt au syncrétisme, tantôt à des conflits.
Les premiers chrétiens étaient encore sous le choc de la révélation d’un Dieu qui se fait homme, qui meurt et qui ressuscite. Cette révolution spirituelle, ils avaient à la confronter à leur culture, à leurs modes de vie. Tout était à faire et ils ont réalisé un travail considérable pour scruter le mystère, évangéliser les mentalités et conceptualiser l’expérience de l’Église.
Chaque fois que l’Église se trouve devant des défis nouveaux, elle se tourne vers « ses sources », elle y recherche la fraîcheur des origines, la lumière des premiers matins. Comme l’écrivait Hans Urs von Balthasar, l’un des pionniers du renouveau patristique du 20e siècle, « être fidèle à la Tradition, ce n’est point répéter et transmettre littéralement des thèses de théologie, c’est bien plutôt imiter de nos Pères dans la foi l’attitude de réflexion intime et l’effort de création audacieuse, préludes nécessaires de la véritable fidélité spirituelle. »
- Et concrètement, comment lire les Pères ?
Toutes sortes de chemins mènent aux Pères. Nous n’en indiquons que quelques uns qui vous mèneront à d’autres encore :
.- 2 guides :
A.-G. Hamman, Les Pères de l’Eglise, « Pères dans la foi » 1, Paris, Éditions Migne, 2000.
A.-G. Hamman, Pour lire les Pères de l’Église, nouvelle édition revue et augmentée par G. Bady, Paris, Éditions du Cerf, 2007.
.- 2 collections :
« Sources chrétiennes », Éditions du Cerf, plus de 500 volumes (texte original, traduction).
« Pères dans la foi », Éditions Migne, près de 100 volumes (traduction, guide de lecture)
. - 2 sites internet :
migne.fr
patristique.org
Bonne lecture !
Cet article paraîtra cet automne (2007) dans Le Campanile, bulletin paroissial de Notre-Dame d’Auteuil.