Que signifie l'arrêt de la retransmission en direct des Conférences de Carême ?
Dimanche 13 mars dans l'après-midi, les auditeurs de France Culture n’ont pu entendre en direct la première des Conférences de Carême, depuis Notre-Dame de Paris. La station publique a fait savoir que les Conférences étaient désormais accessibles sur son site Internet et en différé sur les ondes à minuit. Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, réagit vivement à cette décision










Il n'est pas prudent de s'en prendre sans ménagement aux vieilles dames. C'est la découverte ces jours-ci du directeur de France Culture, Olivier Poivre d'Arvor. Les vieilles dames, ce sont les très anciennesconférences de Carême catholique et le Carême protestant, retransmises à la radio quasiment depuis l'invention du transistor.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que la décision unilatérale d'OPDA de discrètement supprimer leur diffusion le dimanche après-midi - pour les rapatrier en podcast sur le site internet de la radio - ait irrité les autorités religieuses concernées. Découvrant la manoeuvre un peu tard, ces dernières ont mené campagne en coulisses cette semaine et viennent, à deux jours des conférences d'ouverture du 13 mars, d'obtenir une rediffusion différée à minuit le dimanche.
Certes, Olivier Poivre d'Arvor avait déjà fait connaître fin décembre, par un courrier aux producteurs, sa volonté de récupérer ce créneau horaire, qui perturbe pendant six semaines sa programmation du dimanche après-midi. Devant une première vague de protestation, il avait pourtant fait mine de reculer, assurant verbalement les responsables religieux que les conférences ne seraient que légèrement différées.
Las, c'est seulement début mars, en découvrant leur absence sur le programme de la radio, que protestants et catholiques ont réalisé que leurs conférences de Carême respectives, prévues initialement à 16h et 16h30, avaient disparu de la grille.
"Nous avons des obligations légales et nous les tenons", nous expliquait alors, Olivier Poivre d'Arvor, en s'appuyant sur le cahier des charges imposé par le CSA. Selon l'article 18, Radio France "programme et fait diffuser le dimanche matin des émissions à caractère religieux, consacrées aux principaux cultes pratiqués en France". Aujourd'hui, les catholiques ont donc la messe chaque dimanche de 10h à 11h, les protestants diffusent un service religieux de 8h30 à 9h. Les orthodoxes et les chrétiens d'Orient se partagent en alternance le créneau 8h-8h30. Concernant les musulmans, une émission culturelle de 50mn, Cultures d'Islam, est diffusée le dimanche à 6h10 et rediffusée à 22h10.
La diffusion des conférences de Carême n'est donc pas prévue par ce cahier des charges. Mais elle est le fruit d'une tradition reconduite tacitement depuis des dizaines d'années et que les autorités religieuses n'acceptent de voir remise en cause brutalement et sans concertation, explique un proche du dossier. Côté catholique, on s'inquiète que la suppression suivante soit celle des messes des jours de fêtes qui ne tombent pas forcément le dimanche (Noël, Ascension, Assomption et Toussaint), et qui ne sont pas prévues non plus par l'article 18.
"Les temps ont changé, aujourd'hui il y a des radios catholiques, les conférences seront retransmises sur Radio Notre-Dame, RCF, sur la chaîne de télévision KTO. Le service rendu n'est plus aussi nécessaire", affirme OPDA pour justifier sa remise à plat des traditions. "Par ailleurs, je dois déjà répondre à la négative à plusieurs demandes d'autres cultes, comme l'islam et le bouddhisme".
Très attachés à la radiodiffusion de leur rendez-vous historique, catholiques et protestants n'ont pas apprécié de subir à leur tour la même méthode qui conduisit à la suppression surprise, le 7 janvier, de la messe de Noël orthodoxe sur France Culture.
Toute la semaine, ils ont donc activé leurs réseaux pour tenter de sauver leurs conférences. Le cardinal Vingt-Trois a écrit à Jean-Luc Hees, patron de Radio France, tandis que le pasteur Claude Baty s'est adressé directement à l'Elysée.
Imperturbable, Olivier Poivre d'Arvor tenait sa position et vendredi en début d'après-midi, rien n'avait bougé. En désespoir de cause, un communiqué de presse du diocèse de Paris était publié. S'étonnant de l'absence des conférences de Carême sur le programme de France Culture à deux jours de la première, il s'inquiétait de "l'interruption unilatérale d'une tradition remontant à 1946 (...) au mépris de l'attente d'un public composé de croyants et de non-croyants."
Ce n'est qu'en fin d'après-midi qu'Olivier Poivre d'Arvor annonçait un compromis: une diffusion différée à minuit le dimanche, en lieu et place du cours du Collège de France, et le podcast disponible sur le site internet de France Culture (la page de l'émission est au moment où nous publions en "accès refusé". A suivre).
"Nous avons trois millions de podcast par mois, et nous sommes le 3e site podcasté de France", rappelle immédiatement Poivre d'Arvor pour prévenir toute critique sur la baisse de visibilité entraînée par une rediffusion si tardive. "Je ne suis pas le laïcard de service, je suis moi-même pétri de religion, j'ai été formé chez les jésuites", se défend-il, réaffirmant pour preuve de sa bonne volonté, son intention de monter à la rentrée une émission de débat sur l'actualité avec des représentants de différentes religions, sur l'exemple de L'Esprit Publicde Philippe Meyer.