La Sainte Face | par Rachel Goettmann |
1. " SEIGNEUR JÉSUS CHRIST, FILS DE DIEU,AIE PITIÉ DE MOI, PÉCHEUR "
Ce sont ces paroles qui englobent la prière que l’Église orthodoxe nomme " Prière de Jésus ou prière du coeur. " Tant de livres fort édifiants nous permettent de découvrir cette prière, quant à ses origines, son développement, sa méthode ; nous désirons très simplement en faire un rappel pour nos amis lecteurs qui la pratiquent déjà et la présenter un peu à ceux qui ne la connaissent pas encore.
Disons d’emblée que la Prière de Jésus est un chemin au sein de la prière hésychaste, cette " méthode " de méditation ou d’oraison (Le Chemin, nos 6 et 7) qui veut, dans le silence et la paix du coeur, rencontrer le Dieu vivant dans la vie trinitaire. L’hésychaste est celui qui fait un " retour en lui-même ", qui cherche à se taire pour que Dieu puisse lui parler, sachant bien qu’une telle visée ne s’acquiert pas seulement par un seul enseignement. Il s’agit d’une expérience spirituelle, d’une rencontre.
" L’hésychia, c’est demeurer devant Dieu dans une prière incessante. Que la mémoire de Jésus s’unisse à ta respiration et tu connaîtras la valeur de l’hésychia " (saint Isaac le Syrien, VIe siècle).
Si faire hésychia c’est s’approcher de Dieu, comment le connaître s’il ne se manifeste à nous, s’il ne se fait connaître à nous jusque dans son Nom ? Sinon Dieu ne serait pas le Dieu vivant. C’est dans cette approche de Dieu, dans cette soif de sa manifestation qu’est née dans le monachisme oriental chrétien la Prière de Jésus :
Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur.
Il ne s’agit pas d’une prière dite par Jésus, ni d’une prière à Jésus, bien que la prière s’adresse au Seigneur Jésus-Christ, mais d’une invocation, qui conduit à une expérience. Chaque mot prononcé est expérience et ne peut se vivre que dans l’Esprit-Saint, car nul ne peut dire que Jésus est Seigneur si ce n’est dans le Saint-Esprit (1 Co 12,3).
La prière de Jésus tient en peu de mots, mais ces mots contiennent tout : le ciel et la terre, le créé et l’incréé, Dieu et l’homme, c’est une prière divino-humaine.
" Elle unit l’âme au Seigneur Jésus-Christ et il est la seule porte vers la communion avec Dieu qui est le but de toute rencontre " (Théophane le Reclus).
On n’apprend pas la prière de Jésus, on entre dans l’expérience... Alors faisons maintenant comme Moïse devant le buisson ardent et " enlevons nos sandales, " c’est-à-dire faisons taire nos idées, nos concepts, pour nous approcher de celui à qui nous allons dire :
SEIGNEUR !
Seigneur ! Répétons encore... Nous ne prononçons pas un mot, nous formulons une invocation. Avant d’aller plus loin, arrêtons-nous un peu, fermons les yeux, et laissons monter l’expérience que cette parole suscite en nous :
SEIGNEUR !
Dans la pensée égyptienne et sémitique, le terme " seigneur " signifie : Maître, Adonaï en hébreu, Kyrios en grec. Celui dont on dépend entièrement, dont on est l’esclave et qui possède un droit de vie et de mort sur ceux qui lui sont soumis. Issu de cette mentalité, le peuple hébreu appelle son Dieu "Adonaï" parce qu’il est son Créateur et parce que sa créature lui appartient.
Fils de Dieu, rendez au Seigneur,
rendez au Seigneur gloire et honneur.Dans l’appellation de Seigneur, Dieu est aussi reconnu comme Roi par ses serviteurs. C’est le titre royal de YHWH, dont le Nom exprimé par le Tétragramme sacré a été traduit par Adonaï, mon Seigneur :
Chantez à Dieu, chantez,
Chantez à notre Roi, chantez,
Car Dieu est Roi de toute la terre.Les disciples de Jésus sont des Juifs, ils ont fait l’expérience de la Seigneurie de Dieu, et en vivant avec Jésus, ils refont la même expérience. C’est pourquoi ils l’appellent d’abord : "Rabbi " ou " Rabbouni " ce qui veut dire " Maître ", puis ils attribuent à Jésus le pouvoir souverain de " Seigneur ", Mara en araméen :
Vous m’appelez Maître et Seigneur
et vous dites bien car je le suis (Jn 13,13).Déjà avant la naissance de Jésus, Élisabeth enceinte de Jean-Baptiste reconnaît Jésus comme Seigneur dans les entrailles de Marie enceinte, et Jean-Baptiste tressaille d’allégresse :
Comment m’est-il accordé que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? (Lc 1,43)
"Seigneur " contient à la fois la royauté de Jésus et sa divinité. Jésus lui-même, face aux Pharisiens, s’appuie sur le psaume 110 pour dire que le Messie est " Seigneur " donc supérieur à David dont il est le fils :
Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite,
jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds (Ps 110).Les apôtres s’appuient sur ces mêmes mots pour affirmer la souveraineté absolue de Jésus actualisée par sa Résurrection (Ac 2,34). Et l’Église naissante s’adresse au Seigneur Jésus dans sa prière en disant :Marana tha : Notre Seigneur, viens ! (1 Co 16,22), appel qui retentit jusque dans l’Apocalypse (Ap 20,22). Si à mon tour, je nomme Jésus " Seigneur ", quel bouleversement dans ma vie, à quel retournement je suis appelé... Je veux donc dépendre entièrement du Seigneur Jésus, renoncer à mes multiples seigneurs qui me possèdent et auxquels je me prostitue, pour me prosterner à ses pieds et les baiser comme l’a fait Marie-Madeleine. C’est dans cet esprit d’humilité et d’adoration que nous entrons dans la prière de Jésus.
SEIGNEUR JÉSUS !
Qui est Jésus dans ma vie ?
" Yeshouah ", l’appelait sa Mère. Jésus signifie " Dieu sauve ", celui qui apporte le salut : il est venu sauver tous ceux qui étaient perdus (Lc 19,20). Jésus est notre Sauveur, il arrache l’humanité à la mort, brise les verrous de l’enfer. Jésus est aussi mon Sauveur car chaque jour, à chaque instant, il me libère, me délivre, me guérit si j’invoque son Nom. Dans la puissance salvatrice de son Nom, Jésus assume la prophétie du prophète Joël : Quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé (Jl 2,32).
Qu’est-ce qu’invoquer le Nom ? Que représente le Nom pour un sémite ? Cela nous intéresse car c’est dans la foi du peuple hébreu que sont les racines de notre propre foi. Dans la mentalité du peuple hébreu, connaître le nom de quelqu’un, l’appeler par son nom, c’est le connaître intimement et en même temps, c’est savoir comment s’y prendre pour l’approcher, pour communiquer davantage encore, pour obtenir son aide. C’est en quelque sorte avoir une certaine prise sur l’autre. Il en est ainsi avec Dieu, et cela tournerait à la magie, au service de nos propres intérêts, si notre Dieu n’était pas le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, le Dieu révélé en Jésus-Christ qui a reçu de son Père le Nom qui est au-dessus de tout nom (Ph 2,9).
L’invocation du saint Nom sans le fondement de la foi et l’élan du coeur demeure stérile ou peut aller jusqu’à nous nuire. Il ne suffit pas de me dire " Seigneur, Seigneur " pour entrer dans le royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux... (Mt 7,21-23). C’est ainsi que, dans sa mentalité de sémite, Moïse s’adresse à Dieu qui l’envoie en Égypte : J’irai donc vers les enfants d’Israël et je leur dirai : " Le Dieu de vos Pères m envoie vers vous. " Mais s’ils me demandent quel est son nom que leur répondrai je ? Dieu dit a Moïse : " Je suis celui qui suis " (Ehy eh asher Ehyeh en hébreu) Et il ajouta : " C est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël : Ehyeh - Je suis - m’envoie vers vous. " Dieu dit encore à Moise : " Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : Le Seigneur Dieu de nos pères, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, m’a envoyé vers vous. C’est la mon Nom à jamais, c’est ainsi qu’on m’invoquera de génération en génération " (Ex 3, 13-15).
Dieu lui-même s’est nommé à Moïse, non dans son Essence mais en tant que " Je suis " c’est-à-dire celui qui a promis d’être avec nous. Le Nom se donne au peuple et Israël peut nommer son Dieu et témoigner à tous les hommes de l’univers de la puissance du saint Nom, car si Israël connaît le Nom divin il n’en est pas le propriétaire mais le témoin. Rabbi Siméon ben Eléazar (vers 200) dit : " Quand les Israëlites font la volonté de Dieu son Nom est exalté dans lé monde, mais quand ils ne font pas sa volonté, son Nom est profané dans le monde vivant. " Toute la foi d’Israël repose sur le Nom et la relation qu’il peut avoir avec le Nom car Dieu a révélé ses moeurs à son peuple en lui révélant son Nom.
Moïse tailla deux tablés de pierre comme les premières, il se leva de bon matin et monta sur le mont Sinaï selon l’ordre que le Seigneur lui avait donné et il prit dans sa main les tables de pierre. Le Seigneur descendit dans une nuée et se tint auprès de lui et Moïse proclama le nom du Seigneur. Et le Seigneur passa devant lui et s’écria : " Le Seigneur, le Seigneur Dieu miséricordieux et compatissant, lent a la colère, plein de fidélité et de vérité, qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché mais sans rien laisser passer... " (Ex 34,6-7).
Parce que Dieu s’est nommé à Israël jusque dans son Être pour lui, Israël sait pourquoi et comment invoquer le saint Nom. Toute la prière du peuple hébreu est invocation : la bénédiction, l’action de grâce, l’adoration, la supplique, les cris. Au travers de la joie, des larmes, de la détresse, ce sont toujours des appels vers le Nom.
Les liens de la mort m’ont enserré ;
J’étais saisi par la détresse et la douleur
J’ai invoqué le Nom du Seigneur :
ô Seigneur, délivre mon âme. (Ps 115, 3-4)Pourquoi invoquer le Nom ? Pour vivre heureux aujourd’hui et éternellement, c’est en des mots très simples, traduire que le Christ est venu pour nous apporter le salut. C’est pour nous apporter la joie, la paix, la vie en abondance, jour après jour, cette vie après laquelle chaque homme aspire, consciemment en invoquant le saint Nom, ou inconsciemment en sombrant dans les désordres psychiques, que le Nom s’est fait chair. Dans le Seigneur Jésus se réalisent les paroles du prophète Joël, reprises par l’apôtre Pierre devant le Sanhédrin : Il n’y a pas sous le ciel d’autre Nom donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés (Ac 4,12).
Dans la foi chrétienne, Jésus est la révélation et la manifestation du Nom Divin : Qui m’a vu, a vu le Père (Jn 14,9).
Les moeurs de Dieu envers les hommes, Israël les expérimentait à travers des actes concrets ; maintenant le Seigneur Jésus incarne les promesses et les actes de son Père jusque dans le détail de notre quotidien.
Ainsi :
face à nos ténèbres, il dit : Je suis la Lumière (Mc 4,31)
face à nos prisons : Je suis la Porte (Mt 7,13)
face à nos égarements : Je suis le Chemin (Jn 14,6)
face à nos faims : Je suis le Pain de Vie (Jn 6,34)
face à nos tromperies : Je suis la Vérité (Jn 14,6)
face à nos morts, à la Mort : Je suis la Résurrection et la Vie (Jn 11,24).
Et tant d’autres " Je suis ", face à tous nos manques, jusque sur la Croix où Jésus révèle qu’il EST l’Amour dans un être d’Amour qui culmine dans la Résurrection, car cet amour-là est plus fort que la mort. C’est du Seigneur Jésus-Christ que découlent toute cette tendresse, cet amour, cette miséricorde que son Père a pour nous, et qu’il a révélés à Moïse. Cet amour, Jésus a pour mission de nous le manifester. Dans cette mission, il est le Messie, le Christ, c’est-à-dire l’Oint du Seigneur.
SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST
L’onction était l’élément essentiel de l’investiture des rois, considérés en Israël, comme dans tout l’Orient ancien, comme sauveur des peuples. Le Roi était choisi par Dieu, il était le serviteur du Seigneur. Afin que le roi puisse accomplir sa mission, en fidélité à la volonté du Seigneur, il était oint d’huile parfumée, et ainsi participait de l’Esprit de Dieu. C’est ce qui se produisit avec David. Le roi Saül avait été infidèle à sa mission, aussi le Seigneur, répondant aux pleurs de Samuel, envoya celui-ci à Bethléem pour oindre de sa part, celui qu’il lui indiquerait. Ce fut David le berger. Alors le Seigneur dit à Samuel : " Lève-toi, oins-le, car c’est lui. " Samuel prit la corne d’huile et l’oignit au milieu de ses frères. L’Esprit du Seigneur saisit David à partir de ce jour et dans la suite (1 S 16,13).
Nous voyons à travers ces lignes se profiler le visage de Jésus, le Christ. Dans la synagogue de Nazareth, le jour du Shabbat, Jésus fait la lecture du prophète Isaïe :
L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, pour renvoyer libres les opprimés, proclamer une année d’accueil pour le Seigneur... (Lc 4,16-20). Puis Jésus dit : " Aujourd’hui cette parole que vous venez d’entendre est accomplie " (Lc 4,21).
C’est parce que Jésus est oint par son Père, c’est-à-dire tout rempli de l’Esprit-Saint que ses paroles et sa vie entière peuvent témoigner qu’il est le Messie, le fils de David promis par les prophètes et tant attendu par Israël.
Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon Bien-Aimé en qui mon âme prend plaisir. J’ai mis mon Esprit sur lui. Il annoncera la justice ara nations. Il ne contestera point, il n’élèvera pas la voix (Is 42,12).
C’est jusque dans la passion et sur la croix, et jusque dans sa Résurrection que Jésus assume son messianisme, en obéissant à la volonté de son Père. En Jésus de Nazareth, les disciples, puis l’Église naissante, reconnaissent le Messie, le Christ. Voilà pourquoi toute la foi de l’Église primitive s’exprime en ces paroles que l’on chante à travers les siècles jusqu’à nos jours :
Christ est ressuscité des morts, par la mort il a vaincu la mort,
à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la vie. (Tropaire de Pâques)SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST !
Beaucoup parmi nous sont baptisés et chrismés, c’est-à-dire que nous sommes oints avec l’huile sainte et portons dans tout notre être le sceau du don du Saint-Esprit, mais aujourd’hui, Jésus est-il le Christ pour moi ? Alors, ma vie trouve son sens en lui, alors, je participe à tout instant par ma foi, à l’onction divine de Jésus, sans cesse, je peux puiser à cette onction qui est allégresse, joie, force, je peux m’abreuver à cette onction qui est la plénitude des dons de l’Esprit, et qui me livre les " secrets de Dieu ".
C’est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père de qui toute famille tient son nom au ciel et sur la terre ; qu’il daigne selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur ; qu’il fasse habiter le Christ en vos coeurs par la foi ; enracinés et fondés dans l’amour, vous aurez ainsi la force de comprendre avec tous les saints, ce qui est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur... et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu’à recevoir toute la plénitude de Dieu (Ép 3,14-19).
Si en cet instant même le Christ m’apparaissait et me demandait : "Pour toi qui suis-je ? ", pourrais-je confesser : Oui Seigneur je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui vient dans le monde. (Jn 11.27) ? C’est la confession du disciple, c’est de cet élan de foi que jaillit la prière de Jésus.
SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, FILS DE DIEU !
Cela change-t-il quelque chose dans ma vie que d’affirmer que Jésus est Fils de Dieu, plus même, Fils Unique de Dieu ? La confession de la filiation divine de Jésus illumine ma propre destinée. Connaître son avenir est une question bien angoissante qui tenaille les entrailles de tant d’êtres humains, c’est le pourquoi de bien des démarches auprès des voyants ou astrologues. Le Christ, Fils de Dieu, nous révèle notre destinée. Seul, par ses propres moyens, l’homme ne peut rencontrer Dieu, c’est pourquoi Dieu est venu vers l’homme, il est venu par amour, il s’est fait comme sa créature. Notre vie chrétienne ne demeurerait que dans une dimension humaine, aussi noble soit-elle, si nous ne nous tournions que vers Jésus dans son humanité. Dieu-Père dans son amour fou pour l’homme a offert son Fils Unique à l’humanité. Le Fils de David selon la chair est le Fils de Dieu. Par lui, le Christ, l’onction divine : l’Esprit-Saint, est offerte à tous les hommes. Tous sans exception, peuvent devenir fils dans le Fils par l’Esprit-Saint afin de connaître l’amour du Père et entrer ainsi dans l’expérience de la Vie trinitaire.
Prier Jésus, Fils de Dieu, c’est nous tourner avec Jésus vers le Père et dire avec lui : Abba, Père, qui es aux cieux. Jésus est Fils de Dieu et Fils de l’homme, lui seul peut nous révéler notre visage d’homme qui est une conquête, un chemin, celui de la "divinisation ", c’est-à-dire la participation à la vie divine, sans quoi notre vie n’est que mort et désolation. Le chemin de notre "divinisation " nous est ouvert par la mort du Christ qui, par amour, a traversé de l’intérieur, et assumé notre humanité blessée. La Résurrection est partage de sa Vie qu’il continue à nous communiquer dans l’amour de l’Esprit-Saint répandu dans le monde et nos coeurs et qui nous transforme en fils dans le Fils.
Le "Chemin " est tracé, la " Porte " est ouverte, à notre tour, où se situe notre responsabilité, notre participation ?
D’abord au sein de notre liberté, de notre accueil de l’Esprit-Saint et de la Parole du Christ comme dans ces paroles qui doivent s’incarner dans ma vie de chaque jour.
Je suis crucifié avec le Christ ; et ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi (Ga 2,20).
Ainsi la voie de la filiation passe par ma propre mort et ma résurrection. C’est sur ce chemin que veut me conduire la prière de Jésus.
SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, FILS DE DIEU,
AIE PITIÉ DE MOI, PÊCHEURNous avons tenté de nous tourner vers celui auquel nous voulons adresser notre prière : le Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, de nous laisser pénétrer par l’expérience que suscite en nous chaque mot prononcé et de prendre conscience du bouleversement qu’une telle confession de foi peut apporter dans notre vie et nous pressentons déjà que ces bouleversements sont aussi contenus dans ce cri : aie pitié de moi pécheur !
Dans le prochain article nous essaierons de nous ouvrir à l’expérience de la seconde phrase de la prière et a sa pratique. En attendant nous pourrions nous laisser habiter par cette confession de notre foi :Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu, porter chaque mot selon son énergie, sa réalité, son expression dans ma vie et le monde, dans l’adoration, la confiance, la joie, la bénédiction et nous faire tout accueil, en restant attentifs à ce que cette invocation éveillera en nous. Toutefois soyons prudents et répétons que l’Invocation du Nom n’a rien de magique, qu’elle demande l’adhésion de notre foi chrétienne et le désir de pardonner à ceux qui nous ont offensés. L’invocation du Nom sacré est puissante, elle embrase les coeurs sincères mais brûle ceux qui le prononcent indignement.
Où veut nous conduire la Prière de Jésus ? Saint Isaac le Syrien nous le révèle : " L’Amour est le royaume que le Seigneur a mystiquement promis à ses disciples quand il leur a dit qu’ils mangeraient dans son royaume : Vous mangerez et boirez à ma table dans mon royaume (Lc 33,30). Que mangeront-ils, que boiront-ils si ce n’est l’Amour ? Quand nous avons atteint l’Amour ; nous avons atteint Dieu, et notre voyage est achevé. Nous sommes arrivés à l’île qui est au-delà du monde, là où sont le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, à qui soit toute gloire et puissance. "
Amen, amen, amen.
Article paru dans la revue Le Chemin, no. 19, 1993.
Reproduit avec l’autorisation de
Rachel Goettmann et de la revue Le Chemin.