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11 mai 2017 4 11 /05 /mai /2017 23:08

Le christianisme intérieur, dans le monde protestant, co-existe d'une façon contradictoire et parfois paradoxal avec des tendances institutionnalisantes et extériorisantes. Cela s'est produit dès l'aube de la Réforme. Le pasteur et théologien protestant et contemporain Michel Cornuz a pu ainsi parler dans ses ouvrages49 d'un double réflexe quasiment inné de « fascination-répulsion » pour le phénomène de l'intériorité chrétienne et encore plus des visages mystiques catholiques qui l'avaient incarné jusqu'au XVIème siècle. Il ne faut pas négliger le fait, dans l'analyse de la psychologie et la culture réformée, qu'elle se définit le plus souvent dans une logique d'opposition vis-à-vis des pratiques ecclésiales ou spirituelles catholiques.

Par ailleurs, il faut noter parmi les Pères fondateurs de la Réforme deux tendances opposées qui se succédèrent à très peu d'années près voire co-existèrent chez la même personne. Il y a, en effet deux Martin Luther (1483-1546) comme il y a deux Jean Calvin (1509-1546). Luther par exemple était imprégné de la mystique rhénane. Luther avait été ainsi le premier éditeur en langue allemande de « l'Anonyme de Francfort»50, l'un des sommets de la mystique rhéno-flamande. Il était dans ses premières années un partisan résolu de la liberté chrétienne et du retour à des pratiques intériorisées et individuelles de la parole évangélique. Puis très rapidement, il fut rattrapé par le contexte politique de l'époque et il s'adossa à des autorités temporelles qu'étaient certains états princiers du Saint Empire Romain Germanique. Les révoltes paysannes qui vont éclater très tôt au nom de la liberté chrétienne contre ces états princiers amèneront Luther à évoluer et à contester ces mouvements évangéliques anti-institutionnels qu'il qualifia « d'enthousiastes ». Puis Martin Luther restaura progressivement des Églises classiques aux fonctionnements assez voisins de ceux de l 'Église catholique.

D'une façon identique, Jean Calvin est porteur de cette dualité. Il participe à la Réforme protestante au nom de la liberté intérieure et recréa presque simultanément une cité-état paradoxale, celle de Genève, où régnait un moralisme rigide.

Dans les deux cas il existe à l'origine une contestation radicale de la suprématie catholique qui érigeait le magistère ecclésial en référence absolue au détriment de la liberté intérieure et extérieure du chrétien, car, pour les protestants, seule « la foi compte » d'où l'adage de référence chez les protestants de la « sola fide ».

Puis le pendule s'inversa et provoqua un retour aux formes ecclésiales classiques où le magistère est premier par rapport à l'expérience intérieure.

Les évolutions de Luther amèneront dès le départ des résistances au sein de la nouvelle mouvance réformée au nom justement de la liberté de l'homme intérieur.

Les principaux noms qu'il faut retenir de ces partisans de la Réforme intérieure dans la Réforme sont ceux de Caspar Schwenckfeld (1490-1561), Sébastien Franck (1499-1542), Théophraste Paracelse (1493-1541) et Valentin Weigel (1533-1588). L'un des termes qu'ils partageaient était celui de l'homme intérieur qu'ils reprochaient à Luther de mettre sous le boisseau.

Pour Valentin Weigel par exemple : « Dans toutes les Églises, dans toutes les croyances, chez tous les peuples du monde, parmi les luthériens aussi bien que parmi les calvinistes, parmi les papistes, les juifs, les Turcs, les païens, partout il y a de vrais chrétiens. Ils peuvent bien renier le christianisme extérieur, ils restent fidèles à l'Esprit de Dieu, au Logos, au Christ intérieur ».

Par la suite et dès le xviie siècle, et malgré les rigidités des nouvelles Églises protestantes, de nombreux visages d'un christianisme intériorisé apparurent. Georges Fox (1624-1694), fondateur de la Société religieuse des Amis appelés ultérieurement les Quakers, affirmait la présence permanente de Dieu parmi son peuple. Les Quakers ont de plus cette particularité dans l'espace protestant à avoir donné une priorité absolue au rassemblement silencieux et à une totale non-violence dans l'esprit du Sermon des Béatitudes. John Wesley (1703-1794), fondateur du méthodisme, insiste beaucoup dans ses pratiques spirituelles sur l'importance de la rencontre personnelle avec Dieu et de la conversion.

D'autres tendances spiritualisantes n'ont jamais cessé de perdurer dans l'espace protestant comme le piétisme caractérisé par une méditation permanente de la Bible. La figure de Gerhard Tersteegen (1697-1769), souvent qualifié de saint protestant, illustre la constance historique de cette intériorité chrétienne.

Fraternité des veilleurs
 
Logo de la Fraternité spirituelle des Veilleurs : la Bible et la lampe à huile51.

L'une des plus symboliques résurgences contemporaines de cette intériorité est la création en 1923 de la Fraternité spirituelle des Veilleurs fondée par le pasteur Wilfrid Monod (1867-1943). Cette fraternité est souvent nommée le monastère invisible des protestants, car ses membres sont reliés par le fil invisible de la Parole des Béatitudes. Le Veilleur se met trois fois par jour dans l'espace-temps des Béatitudes pour ensemencer sa vie et celle du monde.

Une autre figure protestante a éclairé l'une des périodes les plus tragiques du xxe siècle, celle de Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) qui annonçait qu'il se pourrait qu'un jour le Christ soit le Seigneur des non-croyants. Sous des aspects parfois atypiques, il faut donc souligner l'importance et la spécificité de l'apport de la tradition réformée au christianisme intérieur. La bibliographie sur ce point est abondante.

L'émergence contemporaine de la mouvance évangélique, de l'évangélisme dans l'héritage de la tradition réformée est un phénomène qui n'est pas sans conséquence sur les mutations en cours de l'intériorité chrétienne. Plus du quart des chrétiens sont désormais évangéliques. Ils évoluent dans une logique mondialisée, car leur paroisse, dans leur langage, est le monde. Il est possible qu'à terme, leur expansion déstabilise les églises historiques traditionnelles que sont le catholicisme romain, l'orthodoxie ou le protestantisme comme le souligne dans ses ouvrages Sébastien Fath, chercheur au CNRS52,53,54. Leur développement se situe surtout dans les Amériques, l'Afrique subsaharienne et l'Asie. L'une de leurs cibles est le monde musulman.

Il se pourrait que leurs fondamentaux se croisent, sous des formes mutantes, avec les expériences plus documentées et anciennes du christianisme intérieur.

Sébastien Fath analyse quatre éléments structurant leur spiritualité : un très fort ancrage sur la Bible, la méditation sur la croix, la « conversion » ou nouvelle naissance au sens de l’Évangile de Jean (Jn 3) et une forte implication dans le devenir temporel. Il semblerait qu'on puisse y ajouter un cinquième élément, une propension à franchir les frontières historiques des Églises. Il est courant d'observer une double appartenance des évangéliques à d'autres églises de la Réforme d'où une inclination transconfessionnelle.

Sur certains de ces points, on peut donc penser que se font ou se feront des connexions avec les pratiques et expériences plus anciennes de la spiritualité chrétienne. Le thème de la nouvelle naissance dont l'origine remonte à L'Evangile de St Jean (Jn 3,3) a été largement développé et vécu dans l'ensemble des sensibilités chrétiennes et cela dès l'origine apostolique. L'ouverture du cœur profond est un thème permanent de la spiritualité chrétienne, il ne constitue pas une particularité de l'une ou l'autre des confessions chrétiennes. Sous des formes parfois déroutantes et certainement mutantes, le réveil des évangéliques pourrait être l'une des facettes nouvelles de l'intériorité chrétienne.

 

source : http://www.christianisme-interieur.org/

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Published by Monastère Orthodoxe - dans Enseignement spirituel

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