Ne nous irritons donc pas contre les ennemis de la foi ; ne mettons pas notre colère entre eux et nous ; parlons-leur avec modération, car rien n'est plus fort que la modération et la douceur. C'est pourquoi aussi Paul a recommandé que l'on s'attache avec beaucoup de soin à cette conduite, en disant : « Le Serviteur de Dieu ne doit pas combattre, mais se montrer bienveillant à l'égard de tous ». (2 Tim 2, 24) Il n'a pas dit : « à l’égard des frères seulement », mais « à l'égard de tous ». Et encore : « Que votre modération soit connue », et il n'a pas dit « des frères », mais « de tous les hommes ». (Phil 4,5). A quoi sert en effet, est-il écrit, que vous aimiez ceux qui vous aiment ?[...]
Quand des amitiés nous nuisent, rompons et fuyons ; mais quand elles ne nous font pas de mal, et ne nous portent pas aux pensées impies, appelons et attirons à nous ces amis ; […]
Tu es serviteur du Dieu de paix : lui qui chassait les démons et répandait d'innombrables bienfaits, quand on le traita de démoniaque, il ne foudroya pas ses insulteurs, ne les écrasa pas, ne fit pas bruler leur langue si impudente et insensée, bien qu'il en eût le pouvoir ; il se contenta de repousser l'accusation en disant : « Non, je ne suis pas possédé du démon, mais j'honore celui qui m'a envoyé. » Et quand le serviteur du grand-prêtre l'eut frappé, que dit-il ? « Si j'ai mal parlé, montre ce que j'ai dit de mal ; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me maltraites-tu ? » (Jn 18, 23)[…]
Grave ces mots dans ton esprit et répète constamment cette phrase : « Si j'ai mal parlé, montre ce que j'ai dit de mal ; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me maltraites-tu ? » Car si nous conservons ces mots gravés à l'intérieur de notre esprit, nul d'entre nous ne sera assez dur, assez sot et insensible pour se laisser porter à la colère ; nous tenant lieu de toute espèce de frein ou de bride, ils seront capables de retenir notre langue au moment où elle s'emporte au delà de la mesure et de la convenance, de calmer notre esprit en effervescence, de le maintenir constamment dans la modération et d'établir en nous à demeure la paix parfaite.
St Jean Chrysostome Homélie sur l'incompréhensibilité (I 365-428)