Ces jours-ci, il règne une ambiance de kermesse un peu partout à Jérusalem et dans les autres villes israéliennes habitées par une importante population juive pratiquante. De curieuses cabanes construites en bois et tissu émergent un peu partout dans les restaurants, dans les cours, sur les balcons et même sur les trottoirs. Ces habitations de fortune sont cependant largement décorées de guirlandes ressemblant étrangement à celles qui ornent les arbres de Noël et aussi de fruits de saison – raison, dattes, figues, grenades. Le matin, les juifs religieux se pressent vers la synagogue tenant une espèce de rameau à la main. La fête de Souccot n’a pas son équivalent dans la tradition chrétienne comme c’est le cas pour Pâques ou la Pentecôte et bien qu’elle soit mentionnée dans les Evangiles, elle est souvent inconnue des non-juifs. Et pourtant, Souccot est la fête la plus universelle du judaïsme, elle est la fête de toutes les Nations.
Comme nombres de fêtes juives, Souccot - cabanes ou tentes en hébreu - a une origine agricole. A l’époque biblique, on construisait des cabanes dans les vignes pendant les vendanges pour protéger sa récolte durant la nuit. Peu à peu, Souccot devint une fête d’action de grâce pour la récolte d’automne et particulièrement les vendanges comme il est écrit dans le livre du Deutéronome : "Quant à la fête des tentes, tu la célébreras pendant sept jours lorsque tu auras rentré tout ce qui vient de ton aire et de ton pressoir" (16, 13).
Toujours à l’époque biblique, la fête de Souccot va connaître une évolution et se voit conférer une signification liée à l’histoire du peuple d’Israël. Souccot commémore le séjour des Hébreux dans le désert pendant 40 ans. « Vous habiterez sept jours sous des cabanes (Souccot). Tous les citoyens d’Israël habiteront sous des cabanes, afin que vos descendants sachent que j’ai fait habiter sous des cabanes les fils d’Israël quand je les ai fait sortir du pays d’Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu » (Lv 23, 42-43).
Célébration de la joie
Plus que toutes les autres fêtes juives, Souccot est la célébration de la joie. Le premier commandement est de se réjouir. D’après des sources juives et chrétiennes, il y a un peu plus de 2000 ans à Jérusalem, Souccot était marquée par de nombreuses festivités se déroulant dans la ville sainte alors que le Second Temple était le centre de la vie religieuse du peuple d’Israël. Ainsi, les prêtres suivis de la foule, chantant et dansant, allaient puiser l’eau à la piscine de Siloé dans l’attente de la pluie après un long été. Des textes de la tradition juive racontent qu’on dansait la nuit dans le Temple à la lumière de torches fabriquées avec les culottes du grand-prêtre et les feux de joies étaient si nombreux que les femmes pouvaient trier les lentilles en pleine nuit.
Le second commandement principal de cette fête est de bâtir des cabanes. Ce doit être une construction provisoire dont le toit est composé de feuillages et de branchages, à travers lesquels il est possible de voir les étoiles du ciel. Ces fragiles cabanes symbolisent le souvenir des habitations précaires dans lesquelles s’abritèrent les fils d’Israël durant la traversée du désert. Elles symbolisent aussi, selon les rabbins, la protection divine au-dessus de l’homme. La tradition est d’y accueillir des hôtes durant toute la fête. En Israël, par exemple, le chef de l’Etat a coutume d’ouvrir sa Soucca à tous les citoyens durant une journée entière.
Célébrer le pluralisme
Le troisième commandement important de Souccot est de brandir un Loulav (rameau) selon le livre du lévitique : " Le premier jour vous prendrez un fruit de l’arbre Hadar, des rameaux de palmier, des branches de l’arbre Abot et des saules de rivière, et vous vous réjouirez pendant sept jours en présence du Seigneur votre Dieu" (23, 40). On rassemble donc dans un bouquet appelé Loulav quatre espèces végétales différentes : une branche de palmier, un rameau de myrte, une branche de saule et un cédrat – agrume très odorant. Chaque jour de la fête qui n’est pas chômé, l’usage est de secouer ce rameau en direction des quatre points cardinaux, ainsi que de haut en bas.
La symbolique de ces quatre espèces végétales est très riche. Selon les interprétations non exclusives l’une de l’autre, elles représentent les caractéristiques de Dieu, les quatre matriarches d’Israël, des parties du corps humain – le palmier étant la colonne vertébrale de l’homme -, des régions d’Israël ou bien encore différents types d’êtres humains qui ensemble représentent l’ensemble de l’humanité. Et ce n’est que réunis en un seul et même bouquet que les hommes sont un. Leloulav nous enseigne que tous les hommes doivent être solidaires même s’ils sont différents. Car voilà, Souccot est la fête la plus universelle du judaïsme.
Chronologiquement, cette dimension de Souccot est la plus récente. Elle apparaît avec le prophète Zacharie (5ème siècle av. JC) ; la fête acquiert alors une signification eschatologique et annonce le rassemblement des peuples à la fin des temps à Jérusalem (Za 14,16-19). Dans la tradition juive, c’est à Souccot que le messie doit se manifester. Raison pour laquelle, chaque année des milliers de chrétiens du monde entier, en majorité des évangéliques, se rendent à Jérusalem pour célébrer Souccot qui symbolise aussi la réconciliation entre juifs et non-juifs.