Seigneur, Seigneur, accorde la force Saint Silouane l’Athonite | Saint Silouane l'Athonite |
SAINT SILOUANE L'ATHONITE :
DE LA PRIÈRE
Celui qui aime le Seigneur se souvient toujours de lui, et le souvenir de Dieu fait naître la prière. Si tu ne te souviens pas du Seigneur, tu ne prieras pas non plus. Sans prière, l’âme ne demeurera pas dans l’amour de Dieu, car c’est par la prière que vient la grâce du Saint Esprit. Par la prière, l’homme se garde du péché, car l’esprit en état de prière est absorbé par Dieu. Avec humilité, il se tient devant la Face du Seigneur que son âme connaît. […]
Dieu donne la prière à celui qui prie ; mais la prière que nous accomplissons uniquement par habitude, sans avoir le cœur brisé à cause de nos péchés, n’est pas accueillie par le Seigneur.
J’interromps pour un instant mes propos sur la prière.
Mon âme languit après le Seigneur ; je le cherche avec ardeur et mon âme ne supporte pas de penser à autre chose.
Mon âme languit après le Seigneur vivant, et mon esprit s’élance vers lui comme vers son propre Père céleste. Le Seigneur nous unit à lui par l’Esprit Saint. Le Seigneur est doux à mon cœur, – il est notre joie, notre allégresse et le roc de notre espérance.
Seigneur, dans ta miséricorde viens à la recherche de ta créature, et montre-toi aux hommes par le Saint-Esprit, comme tu te révèles à tes serviteurs.
Réjouis, Seigneur, par la venue de ton Esprit Saint, toute âme affligée. Fais, Seigneur, que tous les hommes qui te prient connaissent le Saint-Esprit.
Nous, tous les hommes, humilions-nous par amour du Seigneur et pour le Royaume des Cieux. Humilions-nous, et le Seigneur nous fera connaître la force de la « prière de Jésus «. Humilions-nous, et l’Esprit divin lui-même instruira notre âme.
Demande conseil à des hommes expérimentés, si tu en trouves, et interroge humblement le Seigneur ; à cause de ton humilité, le Seigneur te donnera l’intelligence.
Lorsque notre prière est reçue par le Seigneur, l’Esprit divin en témoigne dans l’âme ; Il est doux et paisible ; mais autrefois je ne savais pas si le Seigneur avait accepté ou non ma prière, et à quel signe on peut le reconnaître.
Ô homme ! Apprends l’humilité du Christ, et le Seigneur te donnera de goûter la douceur de la prière. Si tu cherches la prière pure, sois humble, sois sobre, confesse-toi sincèrement, et la prière t’aimera. Sois obéissant, soumets-toi de bon cœur aux autorités, sois content de tout, et alors ton esprit se purifiera des vaines pensées. Souviens-toi que le Seigneur te voit et sois dans la crainte de blesser ton frère ; ne le juge pas, ne le peine pas, même par l’expression de ton visage, – et alors le Saint-Esprit t’aimera et t’aidera en tout.
Le Saint-Esprit ressemble à une mère pleine de tendresse. Comme une mère aime son enfant et le protège, ainsi le Saint-Esprit nous protège, nous pardonne, nous guérit, nous instruit, nous réjouit ; l’Esprit Saint est connu dans la prière accomplie avec humilité.
Celui qui aime ses ennemis connaîtra sans tarder le Seigneur par l’Esprit Saint ; celui, par contre, qui ne les aime pas, je ne veux même pas écrire à son sujet. Mais je le plains, car il se tourmente lui-même, fait souffrir les autres, et ne connaîtra pas le Seigneur.
L’âme qui aime le Seigneur ne peut pas ne pas prier, car elle est attirée vers lui par la grâce qu’elle a connue dans la prière.
Les églises nous sont données pour la prière ; dans les églises, on célèbre les offices selon les livres liturgiques ; mais tu ne peux pas emporter l’église avec toi et tu n’as pas toujours de livres, tandis que la prière intérieure est toujours et partout avec toi. Dans les églises, on célèbre les services divins, et le Saint-Esprit est présent ; mais la meilleure église de Dieu, c’est l’âme. Pour celui qui prie en son âme, le. monde entier devient un temple ; mais cela n’est pas donné à tous.
Bien des hommes prient des lèvres et aiment prier à l’aide de livres de prière. Cela est bien ; le Seigneur accueille leur prière et répand sur eux sa grâce. Mais si l’on prie en pensant à autre chose, le Seigneur n’écoutera pas une telle prière.
celui qui prie par habitude n’éprouve pas de changements dans sa prière, mais celui qui prie de tout son cœur connaît bien des épreuves dans la prière : il se trouve en lutte avec l’Ennemi, en lutte avec lui-même, avec ses passions, en lutte avec les hommes ; et en tout cela, il s’agit d’être vaillant.
Les souffrances et les dangers ont appris à beaucoup d’hommes à prier.
Un jour, un soldat vint me trouver dans le magasin de vivres [saint Silouane était « économe » du monastère de Saint-Pantéléïmon, responsable des aspects matériels du monastère] ; il se rendait à Salonique. Mon âme le prit en affection, et je lui dis : « Prie le Seigneur, et tes peines seront allégées. » Il me répondit : « Je sais prier. Je l’ai appris à la guerre, lorsque j’étais dans les batailles. Je suppliais le Seigneur de me garder en vie. Les balles pleuvaient, les obus éclataient, et peu d’hommes survécurent ; je pris part à de nombreux combats, mais le Seigneur m’a gardé. » Tout en parlant, il me montra comment il priait, et d’après l’attitude de son corps on pouvait voir qu’il était entièrement plongé en Dieu.
Beaucoup d’hommes aiment lire de bons livres, et c’est bien ; mais prier est mieux que tout. celui, par contre, qui lit de mauvais livres ou des journaux, est frappé de la faim de l’âme. Son âme est affamée, parce que la nourriture de l’âme et ses délices sont en Dieu. En Dieu se trouve sa vie et sa joie.
Si tu veux prier, l’esprit uni au cœur, et si tu n’y parviens pas, dis la prière avec les lèvres et fixe ton esprit sur les mots de la prière, comme il est dit dans l’Échelle[de saint Jean Climaque]. Avec le temps, le Seigneur te donnera la « prière du cœur «, sans distraction, et tu prieras avec facilité. Certains, dans l’œuvre de la prière, ayant forcé leur intelligence à descendre dans leur cœur, l’ont abîmé à tel point qu’ils ne pouvaient même plus prononcer la prière avec les lèvres. Mais, toi, connais la loi de la vie spirituelle : les dons ne sont accordés qu’à l’âme simple, humble et obéissante. À celui qui est obéissant et retenu en tout – en nourriture, en paroles et en mouvements – le Seigneur donnera la prière, et elle s’accomplira avec facilité dans son cœur.
La prière incessante procède de l’amour, mais on la perd par les jugements, les vaines paroles et l’intempérance. celui qui aime Dieu peut penser à lui jour et nuit, car aucune occupation ne peut empêcher d’aimer Dieu. Les Apôtres aimaient le Seigneur sans que le monde ne les dérange, et cependant ils se souvenaient du monde, ils priaient pour lui et ils s’adonnaient à la prédication. Pourtant il fut dit à saint Arsène : « Fuis les hommes « ; mais l’Esprit divin nous enseigne, même dans le désert, à prier pour les hommes et pour le monde entier.
Dans ce monde, chacun a sa tâche : l’un est roi, l’autre est patriarche, un autre cuisinier, forgeron ou instituteur, mais le Seigneur aime tous les hommes, et celui qui est pris par un plus grand amour de Dieu recevra aussi une plus grande récompense. Le Seigneur nous a donné le commandement d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre intelligence et de toute notre âme. Mais comment peut-on aimer sans prier ? C’est pourquoi l’intelligence et le cœur de l’homme doivent toujours être libres pour la prière.
On désire penser à celui que l’on aime, parler de lui, être avec lui. L’âme aime le Seigneur comme son Père et son Créateur, et se tient devant lui dans la crainte et dans l’amour : dans la crainte, parce qu’il est le Seigneur ; dans l’amour, parce que l’âme reconnaît en lui son Père. Il est miséricordieux, et sa grâce est plus douce que tout.
Moi aussi, j’ai reconnu qu’il est facile de prier, car la grâce de Dieu nous aide. Le Seigneur nous aime et nous donne de nous entretenir avec lui dans la prière. Les forces me manquent pour décrire combien le Seigneur nous aime. Par le Saint-Esprit, on connaît cet amour, et l’âme de celui qui prie connaît le Saint-Esprit.
Certains disent que la prière fait tomber dans l’illusion spirituelle ; c’est une erreur. L’illusion provient d’une présomptueuse confiance en soi et non de la prière. Tous les saints ont beaucoup prié et appellent les autres hommes à la prière. La prière est la meilleure activité pour l’âme. Par la prière, on parvient à Dieu ; par elle, on demande l’humilité, la patience et tout autre bien. celui qui parle contre la prière n’a manifestement jamais goûté combien le Seigneur est bon. Aucun mal ne vient de Dieu. Tous les saints ont prié sans cesse ; ils ne restaient pas un instant sans prière.
L’âme, en perdant l’humilité, perd en même temps la grâce et l’amour envers Dieu, et alors la prière ardente s’éteint ; mais lorsque les passions s’apaisent dans l’âme, et que celle-ci acquiert l’humilité, le Seigneur lui donne sa grâce. Alors, elle prie pour ses ennemis comme pour elle-même, et c’est pour le monde entier qu’elle prie avec des armes brûlantes.
Extrait de : Archimandrite Sophrony,Starets Silouane,
Moine du Mont Athos 1866-1938, Présence, 1973.Seigneur, tu as donné le commandement d’aimer les ennemis, mais cela nous est difficile, à nous pécheurs, si ta grâce n’est pas avec nous. Seigneur, apprends-nous par ton Esprit Saint à aimer nos ennemis et à prier pour eux avec des larmes.
Saint Silouane l’Athonite
LA PRIÈRE D’INTERCESSION
DU STARETS SILOUANE
par l'Archimandrite Sophrony
« Notre frère est notre propre vie », disait le starets. Par amour du Christ, tout homme est assumé comme partie intégrante de notre existence éternelle. Silouane cesse peu à peu de voir dans le commandement d’aimer son prochain comme soi-même une simple norme éthique. Dans le mot comme, il perçoit non l’indication de la mesure de l’amour, mais l’affirmation de la communauté ontologique de l’existence humaine.
« Le Père ne juge personne, mais il a remis tout le jugement au Fils... parce qu’il est Fils de l’homme » (Jn 5, 22-27). Ce Fils de l’homme, Grand juge du monde, dira au Jugement Dernier que « l’un de ces plus petits », c’était lui-même ; en d’autres termes, il unit l’existence de chaque homme à la sienne, l’inclut dans sa propre existence personnelle. Le Fils de l’homme a assumé toute l’humanité, « l’Adam total », et c’est pour cet Adam total qu’il a souffert. L’apôtre Paul dit que, nous aussi, nous devons avoir les mêmes pensées et les mêmes sentiments, le même mode de vie qu’avait le Christ (Ph 2, 5).
Le Saint Esprit, en enseignant à Silouane l’amour du Christ, lui permit de vivre réellement cet amour, d’assumer la vie de toute l’humanité. Sa prière tendue à l’extrême et accompagnée d’abondantes larmes pour le monde entier, le rapprocha et l’unit par de forts liens à « l’Adam total ». Pour lui, qui avait vécu la résurrection de son âme, il était devenu naturel de voir en tout homme son frère pour l’éternité. Dans notre vie terrestre, il y a un certain ordre de succession temporelle et spatiale, mais dans l’éternité nous sommes tous un ; c’est pourquoi chacun de nous ne doit pas seulement s’occuper de lui-même, mais aussi de cette unité.
Après son expérience des souffrances de l’enfer, après l’indication du Seigneur : « Tiens ton esprit en enfer », le starets Silouane aimait tout particulièrement prier pour les morts, pour ceux qui souffrent en enfer, mais il priait aussi pour les vivants et pour ceux qui n’étaient pas encore nés. Dans sa prière, qui franchissait les limites du temps, toute référence à ce qui est passager dans la vie humaine, disparut. Dans sa souffrance pour le monde, il lui avait été donné de ne voir dans les hommes que ceux qui connaissaient Dieu et ceux qui ne le connaissaient pas. Il lui était insupportable de penser que des hommes allaient demeurer dans les « ténèbres extérieures » (Mt 8, 22).
Nous nous rappelons une conversation qu’il eut avec un ermite. Ce dernier lui dit avec un air d’évidente satisfaction :
« Dieu châtiera tous les athées. Ils brûleront dans le feu éternel. »
Visiblement peiné, le Starets Silouane lui répliqua : « Eh bien ! dis-moi, je t’en prie, si on te mettait au Paradis, et que de là tu puisses voir comment quelqu’un brûle dans le feu de l’enfer, pourrais-tu être en paix ? »
« Qu’y faire ? C’est de leur propre faute », dit l’autre. Alors, le visage douloureux, le Starets répondit :
« L’amour ne peut pas supporter cela... Il faut prier pour tous les hommes. »
Et vraiment, il priait pour tous les hommes ; prier seulement pour soi-même lui était devenu étranger. Tous les hommes sont soumis au péché, tous sont privés de la gloire de Dieu (Ro 3, 23). Pour lui qui avait déjà contemplé, dans la mesure qui lui avait été accordée, la gloire divine et qui avait ensuite vécu la perte de cette grâce, la moindre pensée d’une telle privation lui était pénible. Son âme se consumait en songeant que les hommes vivent sans connaître Dieu et son amour et il priait d’une ardente prière pour que le Seigneur, dans son ineffable amour, leur permette de le connaître.
Extrait de : Archimandrite Sophrony,Starets Silouane,
Moine du Mont Athos, Présence, 1973. pp. 47-49.Seigneur, donne-moi la force de m’humilier devant ta grandeur. Seigneur, à toi appartient la Gloire dans les Cieux et sur la terre ; mais à moi, à ta fragile créature, donne ton humble Esprit Saint. J’implore ta bonté, Seigneur, jette un regard sur moi du haut de ta Gloire et donne-moi la force de te louer jour et nuit, car mon âme t’a aimé par le Saint Esprit. Je languis après toi et je te cherche avec des larmes.
Saint Silouane l’Athonite
LA PRIÈRE D’INTERCESSION
DU STARETS SILOUANE
parMgr Antoine Bloom
En 1938 mourait un moine du Mont Athos. C’était un homme très simple, un paysan russe qui, arrivé au monastère vers l’âge de vingt ans, y vécut cinquante années. Sa simplicité était remarquable. Il était venu au Mont Athos après avoir lu dans un opuscule sur la Sainte Montagne que la Mère de Dieu avait promis d’intercéder et de prier pour quiconque servirait Dieu dans les monastères de l’Athos. Il quitta donc son village en disant : « Si la Mère de Dieu est prête à répondre de moi, allons à la Sainte Montagne et mon salut sera son affaire. « C’était un homme étonnant et il dirigea pendant de longues années les ateliers de son monastère. Dans ces ateliers travaillaient de jeunes paysans russes qui passaient un ou deux ans au mont Athos afin d’y amasser, sou par sou, quelques centaines de francs, au maximum : de quoi leur permettre, une fois rentrés au village, d’y fonder un foyer, de se bâtir une cabane et d’acheter la semence nécessaire pour une première récolte.
Un jour, les moines qui dirigeaient d’autres ateliers lui demandèrent : « Père Silouane, comment se fait-il que vos ouvriers travaillent si bien alors que vous ne les surveillez pas, tandis que les nôtres, que nous ne quittons pas des yeux, essaient tout le temps de nous tromper ? »
Le père Silouane répondit : « Je l’ignore. Tout ce que je peux vous dire c’est comment je fais. Le matin, je n’entre jamais à l’atelier sans avoir d’abord prié pour tous ces braves garçons ; je vais à eux le cœur rempli de compassion et d’amour et lorsque je pénètre dans l’atelier, je les aime tant que des larmes d’amour inondent mon âme. Je leur distribue la tâche pour la journée et, comme je suis résolu à prier pour eux tout le temps que durera leur travail, je regagne ma cellule et je prie pour chacun d’eux en particulier.
Je me mets en présence de Dieu et je lui dis : « Mon Dieu, souviens-toi de Nicolas. Il est jeune, tout juste vingt ans et il a laissé au village sa femme qui est encore plus jeune que lui et leur premier enfant. Peux-tu imaginer quelle misère l’a contraint à les quitter et cela parce qu’il ne pouvait pas les faire vivre par son travail ? En son absence veille sur eux. Protège-les de tout mal. Donne-lui le courage de venir à bout de son année ici et de retourner en Russie pour y retrouver les siens dans la joie, avec assez d’argent mais aussi de courage pour affronter les difficultés." »
Il poursuivit : « Au début, je priais avec des larmes de compassion pour Nicolas, sa jeune femme et leur petit enfant mais, à mesure que je priais, le sentiment de la présence divine m’envahissait de plus en plus ; à un certain moment, il devint si intense que, perdant de vue Nicolas, sa femme, leur enfant, leurs besoins, leur village, je n’eus plus conscience que de Dieu seul. Le sentiment de la présence de Dieu m’entraîna dans un recueillement de plus en plus profond ; soudain, au sein même de cette présence, je rencontrai l’amour de Dieu et, au cœur de cet amour, Nicolas, sa jeune femme et l’enfant ; alors, avec l’amour même de Dieu, je recommençai à prier pour eux ; mais je me sentis derechef attiré dans de nouveaux abîmes au fond desquels je rencontrai une fois de plus l’amour de Dieu. C’est ainsi que se passent mes journées : je prie pour chacun de mes ouvriers, tour à tour, l’un après l’autre ; la fin de la journée je leur dis quelques paroles, nous prions ensemble et ils vont se reposer. Quant à moi, je regagne le monastère pour m’y acquitter de mes devoirs monastiques. »
On peut saisir à travers ce récit quel effort et quel combat exigent la prière contemplative, la compassion, la prière active. Le père Silouane ne se contentait pas de dire : « Seigneur, souviens-toi de celui-ci, de celui-là et encore de cet autre ! » ; il passait des heures et des heures à prier avec compassion, à prier avec amour, une compassion et un amour qui ne faisaient plus qu’un dans son cœur.
Extrait de : Mgr Antoine Bloom,
L’école de prière, Seuil (LV 143), 1972.Seigneur miséricordieux, écoute ma prière,
fais que tous les peuples de la terre te connaissent par le Saint Esprit.Saint Silouane l’Athonite