En cette fête du Christ-Roi, je voudrais vous partager cette lettre qu'a publiée Dominique sur son blog (sous le chêne de Mamré).
Le Christ-Roi, c'est le serviteur et celui qui dans le silence offre sa vie pour que nous vivions.
Le Christ-Roi, c'est celui qui ne condamne pas, mais vient libérer pour que nous puissions grandir dans la paix.
Le Christ-Roi, c'est celui qui nous révèle l'amour inconditionnel de Dieu.
Lettre à Mgr Quintana, Nonce apostolique
Cher frère en Jésus-Christ,
Je suis un simple catholique du Québec, bénévole dans une paroisse, et j’aimerais réagir à votre allocution aux évêques canadiens, réunis en assemblée plénière le 28 octobre 2010, où vous avez fait référence aux changements qui toucheront l’épiscopat de notre province en 2011.
En décrivant le Canada, vous mentionnez le pluralisme, la consommation et une certaine indifférence religieuse. Pour moi, le pluralisme, loin d’être une tare ou une menace, ressemble à cette Galilée où Jésus a commencé son ministère et me motive à approfondir ma foi et à témoigner. La consommation, quand elle dépasse la satisfaction des besoins essentiels, comme chez nous en Amérique du Nord ou dans votre pays d’origine, crée une pression indue sur les ressources de la planète et devient une injustice à l’endroit des populations démunies. Quant à l’indifférence religieuse, vous qui êtes récemment arrivé au Canada, vous devez savoir qu’elle est en partie le résultat d’un enseignement du Magistère romain déconnecté de la réalité canadienne, notamment en ce qui regarde la liberté de conscience en matière de contraception, l’accession des femmes au ministère sacerdotal et le mariage des prêtres. Si de nombreux Canadiens ont tourné le dos à une institution trop cléricale et ritualiste, serait-ce parce qu’ils ont trouvé plus important de s’engager dans d’autres organisations au nom de la solidarité, de la justice, de la compassion?
Vous parlez également de la nouvelle évangélisation notamment auprès des populations d’ancienne chrétienté (Europe et Amérique). À mon avis, la nouvelle évangélisation a des chances de succès auprès des Canadiens et des Québécois si notre institution ecclésiale et ses responsables, les évêques, se laissent eux-mêmes évangéliser et répondent sans détour aux appels à la conversion.
La première conversion serait de cesser de penser que les autorités ecclésiales détiennent toute la vérité, alors qu’elles savent bien que la Vérité s’exprime à travers tous les baptisés de l’Église, à qui l’Esprit distribue ses dons comme il l’entend bien et dont le Ressuscité est toujours la Tête. Cette Vérité exige qu’on sorte des évêchés pour se mettre à l’écoute des souffrances des humains : c’est là, bien plus que dans un catéchisme, que l’Esprit souffle des paroles de salut.
La deuxième conversion serait de rechercher la justice en reconnaissant les fautes commises par des prêtres et des religieux en matière d’abus sexuels et en offrant une juste réparation pour les torts causés. On a fait un tort énorme à l’Église en pratiquant l’omerta et en soustrayant les fautifs aux exigences de la justice.
La troisième conversion serait de dénoncer le serment de fidélité au Pape. Les fidèles catholiques ne sont pas dupes, il sont instruits et lisent les évangiles. Jésus lui-même a enseigné de ne pas jurer, mais plutôt de parler par un simple «oui» ou «non». Les fidèles feront confiance à leurs évêques s’ils voient que le collège des évêques ose exprimer un enseignement connecté à la réalité québécoise ou canadienne, même s’il s’écarte des positions traditionalistes du Magistère romain. Le succès de l’évangélisation tient à l’ajustement des enseignements et des actions des évêques aux enseignements de l’Évangile. Car si les apôtres ont cru en Jésus, ce n’est pas à cause de son orthodoxie, mais bien parce que ses actions étaient ajustées à son discours sur le Père.
Je vous donne quelques exemples seulement du scandale et de l’indifférence causés par la non-conformité des actions aux discours. On demande aux évêques d’offrir leur démission à 75 ans. Que penser de l’évêque de Rome, Benoît XVI, qui a dépassé cet âge de beaucoup et ne semble pas vouloir démissionner? Que penser des évêques qui se font appeler par des noms et des titres signifiant la grandeur et la puissance? Ne suffirait-il pas qu’ils se fassent appeler Monsieur ou Père ou Frère? Que penser du refus de Rome d’ordonner prêtres des hommes mariés ou de permettre le mariage des prêtres, quand l’Église catholique accueille des prêtres ou pasteurs mariés qui viennent d’autres confessions chrétiennes?
Je vous le demande : quelle confiance les Québécois peuvent-ils avoir dans les évêques, quand leurs actions ne sont pas ajustées à leur discours et au message évangélique? Je vous le demande encore : l’Église est-elle une grosse compagnie ou un gouvernement dont les évêques seraient les propriétaires ou les fonctionnaires ou bien est-elle l’assemblée de ceux qui ont rencontré le Christ et se sont convertis à cause de la bonté radicale de sa bonne nouvelle?
Je regrette de vous dire que présentement je me sens plus solidaire de l’Église qui se réinvente hors des murs de pierre que de celle qui cherche à perpétuer le modèle d’autrefois. Je vous encourage, dans votre recherche de nouveaux évêques pour le Québec, à faire la part généreuse à l’Esprit saint, esprit de compassion pour ceux qui souffrent de l’injustice et de l’exclusion, esprit d’écoute des besoins exprimés par les croyants et croyantes, laïcs ou clercs, en autorité ou pas, esprit de discernement de la volonté du Père pour les temps que nous vivons maintenant.
Union de prières,
Michel Bourgault, bénévole en pastorale
Paroisse de Saint-Paul, diocèse de Joliette