Le dernier dimanche de Carême "nous commémorons le deuxième et Incorruptible Avènement de notre Seigneur Jésus-Christ". L'expression "nous commémorons" dans le Synaxaire, confirme que notre Église, en tant que Corps du Christ, adopte à nouveau dans son culte la seconde venue du Christ (Parousie) comme un “événement” et non pas seulement comme quelque chose qui est historiquement prévu. La raison en est que, grâce à la Sainte Eucharistie, nous sommes transportés dans le Royaume céleste, dans la méta-histoire. C’est dans cette perspective orthodoxe, que le sujet du paradis et de l'enfer est abordé. Dans les Evangiles (Matthieu, ch.5), il est fait mention de “royaume” et de “feu éternel”. Dans cet extrait, qui est cité au cours de la Liturgie de ce dimanche mentionné, le “royaume” est la destination divine de l'humanité. Le "feu" est "préparé" pour le diable et ses anges (démons), non parce que Dieu le veut, mais parce qu'ils sont sans repentance [id est, non disposés à changer, à réfléchir et à participer à la rédemption]. Le “royaume” est “préparé” pour ceux qui demeurent fidèles à la volonté de Dieu. La gloire incréée est le Paradis (le “royaume”). Le "Feu éternel" est l'enfer (v.46). Au début de l'Histoire, Dieu invite l'homme au paradis, dans une communion avec Sa Grâce incréée. À la fin de l'Histoire, l'homme doit faire face à la fois au paradis et à l'enfer. Nous verrons plus loin ce que cela signifie. Nous soulignons cependant que c’est un des sujets centraux de notre foi – c’est "la pierre philosophale" du christianisme orthodoxe. La mention de paradis et d'enfer dans le Nouveau Testament est fréquente. Dans Luc 23, 43, le Christ dit au larron sur la croix: “Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". Cependant, le larron se réfère également au paradis, quand il dit: “Souviens-toi de moi, Seigneur... dans ton royaume." Selon Théophylacte de Bulgarie (PG 123, 1106), "car le larron était au paradis, en d'autres termes, au royaume." 2 L'apôtre Paul (2 Cor. 12: 3-4) avoue que, tout en restant dans cette vie, il a été “elevé au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qui sont impossibles à l'homme de répéter." Dans l'Apocalypse, nous lisons: “Pour le vainqueur, je lui donnerai à manger de l'Arbre de Vie, qui est dans le paradis de mon Dieu" (2: 7). Et Arethas de Césarée interprète: "le paradis est compris comme la vie bienheureuse et éternelle" (PG 106, 529). Le paradis, la vie éternelle, le royaume de Dieu, sont tous liés. Références à l'enfer: Matthieu 25:46 ("au tourment éternel"), 25:41 (“feu éternel”), 25:30 ("les ténèbres du dehors"), 5:22 (“le lieu du feu"). 1 Jean 4: 18 (“... car la crainte suppose un châtiment"). Ce sont des manières d’exprimer ce que nous entendons par “enfer.” Le paradis et l'enfer ne sont pas deux lieux différents. Une telle idée est un concept idolâtre. Au contraire, ils signifient deux conditions différentes (des manières [ou] des états d’être), qui proviennent de la même source incréée, et sont perçues par l'homme comme deux expériences différentes. Plus précisément, elles sont la même expérience, sauf qu'elles sont perçues différemment par l'homme, en fonction de son état interne. Cette expérience est la vision du Christ à la Lumière Incréée de Sa divinité, de Sa “gloire”. Dès le moment de Sa seconde venue, à travers toute l'éternité, tous les gens verront le Christ dans Sa Lumière Incréée. Voilà où "ceux qui auront accompli de bonnes œuvres dans leur vie iront à la résurrection de la vie, tandis que ceux qui auront fait le mal dans leur vie iront vers la résurrection du jugement” (Jn. 5: 29). En présence du Christ, l'humanité sera séparée (en “ brebis ” à sa droite et “ boucs" à sa gauche). En d'autres termes, ils seront séparés en deux groupes distincts: ceux qui verront le Christ comme le paradis (le “bien extrême, le rayonnement”) et ceux qui verront le Christ comme l'enfer ("le feu dévorant" dans Hébreux 12:29). Paradis et enfer sont la même réalité. Ceci est ce qui est décrit dans la représentation de la Parousie. Du Christ, un fleuve de feu jaillit. Il est rayonnant comme une lumière dorée à l'extrémité supérieure de celui-ci, où sont les saints. A son extrémité inférieure, le même fleuve [de feu] est ardent, et c’est dans cette partie du fleuve que les démons et les impénitents (“ceux qui ne se repentent jamais", selon un hymne) sont représentés. Voilà pourquoi, dans Luc 2:34, nous lisons que le Christ est “ la chute et la résurrection d'un grand nombre". Le Christ devient la résurrection à la vie éternelle pour ceux qui L'ont accepté, et qui ont suivi les moyens donnés pour la guérison du cœur. Pour ceux qui L'ont rejeté, cependant, il devient leur séparation et leur enfer. Parmi les témoignages patristiques, Saint Jean du Sinaï (Climaque) dit que la Lumière Incréée du Christ est "un feu dévorant et une lumière qui illumine". Saint Grégoire Palamas (EPE II, 498) observe: "Ainsi, il est dit, il vous baptisera du Saint-Esprit et par le feu: en d'autres termes, par 3 l'illumination et le jugement, en fonction de la prédisposition de chaque personne, ce qui, en soi, portera en elle ce qu'elle mérite." Ailleurs, (Essays, P. Christou Publications, vol. 2, page 145): La lumière du Christ, "quoique une et accessible à tous, n’est pas partagée de manière uniforme, mais différemment." Par conséquent, paradis et enfer ne sont pas une récompense ou une punition (condamnation), mais la façon dont nous vivons individuellement la vue du Christ, en fonction de l'état de notre cœur. Dieu ne punit pas, en substance, même si, à des fins éducatives, l'Ecriture mentionne la punition. Plus on devient spirituel et mieux on peut comprendre la langue de l'Écriture et de la Tradition sacrée. La condition de l'homme (pur/impur, repentant/impénitent) est le facteur qui détermine l'acceptation de la Lumière, comme “paradis” ou “enfer”. La question anthropologique dans l'Orthodoxie est [de faire] que l'homme considère éternellement le Christ comme paradis et non comme enfer; que l'homme participe à Son “royaume” céleste et éternel. C’est là où l'on voit la différence entre le christianisme de l'Orthodoxie et les diverses autres religions. Les autres religions promettent un certain état "bienheureux", même après la mort. L’Orthodoxie n’est cependant pas une quête de bonheur, mais un remède de la maladie de la religion, comme le défunt père Jean Romanides l’enseigne d’une manière patristique. L'Orthodoxie est un hôpital ouvert au sein de l'histoire (une “infirmerie spirituelle” selon saint Jean Chrysostome), qui offre la guérison (catharsis) du cœur, pour finalement atteindre la déification - la seule destination souhaitée de l'homme. Telle est la voie qui a été décrite de façon exhaustive par le père Jean Romanides et le révérend métropolite de Nafpaktos, Hiérotheos (Vlachos); c’est la guérison de l'humanité, telle qu’elle fut vécue par l'ensemble de nos saints. Tel est le sens de la vie dans le corps du Christ (l'Eglise). C’est la raison de l'existence de l'Eglise. C’est ce que visait toute l’œuvre rédemptrice du Christ. Saint Grégoire Palamas (4e Homélie sur la Parousie) dit que la volonté du Dieu pré-éternel pour l'homme est de “trouver une place dans la majesté du royaume divin” - pour atteindre la déification. Tel est le but de la création. Et il poursuit: "Mais même Sa kénose divine et secrète, Sa conduite théanthropique, Sa passion rédemptrice, et chaque mystère unique (en d'autres termes, toute l’œuvre du Christ sur terre) ont tous été providentiellement et d’une manière omnisciente pré-déterminée à cette fin [pour cet objectif] même. La réalité importante, cependant, est que tous les gens ne répondent pas à cette invitation du Christ, et c’est la raison pour laquelle tout le monde ne participe pas de la même manière à Sa gloire incréée. Ceci est enseigné par le Christ, dans la parabole de l'homme riche et de Lazare (Luc, Chapitre 16). L'homme refuse l'offre de Christ, il devient l'ennemi de Dieu et rejette le rachat offert par le Christ (ce qui est un blasphème 4 contre le Saint-Esprit, car c’est dans l'Esprit Saint que nous acceptons l'appel du Christ). Ceci est la personne “jamais repentie” visée par l'hymne de l’Eglise. Dieu “ n’a pas d’inimitié", observe le bienheureux Jean Chrysostome; c’est nous qui devenons Ses ennemis; nous sommes ceux qui Le rejettent. L'homme impénitent devient diabolisé, parce qu'il l’a choisi. Dieu ne veut pas cela. Saint Grégoire Palamas dit:. "...Car ce ne fut pas ma volonté préexistante, je ne t’ai pas créé à cette fin; je ne prépare pas pour toi le bûcher. Ce bûcher éternel a été allumé pour les démons qui portent le caractère immuable du mal, vers lequel ta propre opinion impénitente t’as attiré." "La cohabitation avec les anges malfaisants est volontaire" (4ème Homélie sur la Parousie) En d'autres termes, c’est quelque chose qui est librement choisi par l'homme. Tant l'homme riche que Lazare, étaient à la recherche de la même réalité, à savoir, Dieu dans Sa lumière incréée. L'homme riche a atteint la Vérité, la vision du Christ, mais il n'a pas pu y prendre part, comme Lazare l’a fait. Le pauvre Lazare a reçu une “consolation”, alors que le riche a reçu "l'angoisse". Les paroles du Christ pour ceux qui sont encore dans ce monde, selon lesquelles ils “ont Moïse et les prophètes," signifient que nous sommes tous sans excuse. Car, nous avons les saints, qui ont vécu et qui nous appellent à adhérer à leur mode de vie afin que nous puissions atteindre la déification (theosis) comme ils l'ont fait. Nous concluons donc que ceux qui ont choisi les mauvaises voies (comme l'homme riche) sont sans excuse. Notre orientation envers notre prochain est révélatrice de notre état intérieur, et c’est la raison pour laquelle ce sera le critère de Jugement Dernier durant la Seconde Venue du Christ (Matthieu, ch. 25). Cela ne signifie pas que la foi, ou la fidélité de l'homme au Christ soit ignorée; la foi est naturellement une condition préalable, parce que notre attitude envers l'autre montrera si oui ou non nous avons Dieu en nous. Les premiers dimanches du Triode précédant le Carême tournent autour des relations avec nos semblables. Au premier de ces dimanches, le pharisien extérieurement pieux se justifie et dénigre le percepteur. Le deuxième dimanche, le frère aîné (une répétition du pharisien apparemment pieux) est attristé par le salut de son frère. De même apparence pieuse, il avait lui aussi une fausse piété, qui ne produisit pas d'amour. Le troisième dimanche, cette condition atteint le tribunal du Christ, et est mise en évidence comme critère pour notre vie éternelle. L'expérience du paradis ou de l'enfer est au-delà des mots ou des sens. C’est une réalité incréée, et non pas créée. Les Latins ont inventé le mythe par lequel le paradis et l'enfer sont deux réalités créées. C’est un mythe selon lequel les damnés ne seront pas en mesure de regarder vers Dieu; tout comme "l’absence de Dieu” est aussi un mythe. Les Latins avaient également perçu les feux de l'enfer comme quelque chose de créé. La Tradition orthodoxe est restée fidèle à l’enseignement 5 des Écritures où les damnés verront Dieu (comme l'homme riche de la parabole), mais ils le percevront seulement comme “un feu dévorant". Les scolastiques latins ont accepté l’enfer comme punition et privation d'une vision concrète de l'essence divine. Bibliquement et patristiquement cependant, "l'enfer" est compris comme l'incapacité de l'homme à coopérer (synergie) avec la Grâce divine, afin d'atteindre la vision illuminatrice de Dieu (qui est le paradis) et l'amour désintéressé (1Cor. 13: 8): "l'amour... ne demande pas de réciprocité." Par conséquent, il n'ya pas une telle chose comme “absence de Dieu”, mais seulement Sa Présence. Voilà pourquoi Sa seconde venue est désastreuse ("Ô, quelle heure, ce sera alors", chantons-nous dans les Laudes des Matines). C’est une réalité irréfutable, vers laquelle l'Orthodoxie est orientée de façon permanente ("J’attends la résurrection des morts ... [dit le Credo]”) Les damnés - ceux qui ont le cœur endurci, comme les pharisiens (Marc 3: 5: "dans l'insensibilité de leur cœur”) - perçoivent éternellement le bûcher de l'enfer comme leur salut! C’est parce que leur état n’est pas sensible à toute autre forme de salut. Ils sont trop "finalisés" - ils atteignent la fin de leur route - mais seulement les justes [sincèrement pieux] atteignent la fin en tant que personnes rachetées. Les autres finissent dans un état de condamnation. Le "salut" pour eux est l'enfer, puisque dans leur vie, ils ont recherché le seul plaisir. L'homme riche de la parabole avait “apprécié l'ensemble de ses richesses". Le pauvre Lazare, sans se plaindre avait enduré "toute souffrance." L’apôtre Paul exprime ceci (1Cor. 3: 13-15): " l'œuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu'elle se révèlera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu'est l'œuvre de chacun. Si l'œuvre bâtie par quelqu'un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. Si l'œuvre de quelqu'un est consumée, il perdra sa récompense; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu." Les justes et les impénitents passeront tous deux par le “feu” de la Présence divine incréée, cependant, l'un passera au travers indemne, tandis que l'autre sera brûlé. Il est “sauvé” aussi, mais seulement de la manière dont on passe par un incendie. Efthimios Zigavinos (12ème siècle) observe à cet égard: “Dieu comme le feu qui éclaire et illumine le pur, et brûle et obscurcit l'impur." Et Theodoritos Kyrou concernant cette "économie", écrit: "On est également sauvé par le feu, étant testé par lui, tout comme lorsque l'on passe par le feu. S’il a une couverture de protection appropriée, il ne sera pas brûlé, sinon, il peut être "sauvé”, mais il sera carbonisé! " Par conséquent, le feu de l'enfer n'a rien de commun avec le “purgatoire” latin, ni créé, ni punition, ou étape intermédiaire. Un point de vue comme celui-ci est pratiquement un transfer de sa responsablité à Dieu. Mais la responsabilité est entièrement nôtre, si nous choisissons d'accepter ou de rejeter le salut, la guérison, qui est offerte par Dieu. 6 "La mort spirituelle" est la vision de la Lumière Incréée, de la gloire divine, comme un bûcher, comme le feu. Saint Jean Chrysostome, dans sa neuvième homélie sur la première Epître aux Corinthiens, note: “L'enfer est sans fin... Les pécheurs doivent être amenés dans une souffrance sans fin. Comme pour le fait d’être brûlés complètement. Cela signifie qu’il ne résiste pas à la force du feu." Et il poursuit: “Et il (Paul) dit, cela signifie ceci: qu'il ne doit pas être brûlé, comme ses œuvres, jusques au néant, mais il doit continuer à exister, mais à l'intérieur du feu.
Il considère donc cela comme son salut. Car il est de coutume pour nous de dire `sauvés dans le feu," en se référant à des matériaux qui ne sont pas totalement brûlés." Les perceptions et interprétations scholastiques qui, à travers l'œuvre de Dante (in Inferno/l’enfer) ont imprégné notre monde, ont des conséquences qui remontent à des concepts idolâtres. Un exemple est la séparation du paradis et de l'enfer comme deux lieux différents. Cela est arrivé parce qu'ils ne distinguent pas entre le créé et l'incréé. Tout aussi erronée est la négation de l'éternité de l'enfer, avec l'idée de la “restauration” de tous, ou les concepts entourant l'idée de Bon Dieu. Dieu est en effet “bienveillant” (Mt.8: 17), car il offre le salut à tout le monde: ("Il veut que tous soient sauvés…" 1 Tm 2: 4). Cependant, les paroles de notre Seigneur comme on les entend pendant le service funèbre sont redoutables: “ Je ne puis rien faire de moi-même: selon que j'entends, je juge; et mon jugement est juste " (Jn. 5: 30). Tout aussi fabriqué est le concept de la théodicée, qui s’applique dans ce cas. Tout [toute responsabilité] est finalement attribué à Dieu seul, sans tenir compte de la coopération de l'homme (synergie) comme facteur de rédemption. Le salut n’est possible que dans le cadre de la coopération entre l'homme et la Grâce divine. Selon le bienheureux Jean Chrysostome, "la plus grande partie, presque tout, est de Dieu; Il a cependant laissé un peu de choses pour nous." Ce "peu de choses" est notre acceptation de l'invitation de Dieu. Le larron sur la Croix a été sauvé, "en utilisant la demande clé de se souvenir de [lui]… "! Egalement idolâtre est la perception d'un Dieu devenant outragé contre un pécheur, alors que nous avons mentionné plus tôt que Dieu "ne montre jamais d'inimitié." Ceci est une perception morale de Dieu, qui conduit également à la perspective de “ pénitences ” lors des confessions comme des formes de punition, et non comme remèdes [epitimia], comme moyens de guérison. Le mystère du paradis-enfer est également expérimenté dans la vie de l'Eglise dans le monde. Pendant les Saints Mystères / sacrements, il y a une participation des fidèles à la Grâce divine, afin que la Grâce puisse être activée dans nos vies, dans notre course vers le Christ. Surtout pendant l'Eucharistie, l'Incréé (Sainte Communion) devient soit le paradis soit l'enfer en nous, en fonction de notre état. Notre participation à la Sainte Communion est principalement une participation soit au paradis, 7 soit à l'enfer, dans notre propre temps et lieu. Voilà pourquoi nous supplions Dieu, avant de recevoir la Sainte Communion, de rendre les dons précieux "non pas comme jugement ou condamnation” en nous “, pour la guérison de l'âme et du corps," et non pas comme “condamnation”. Voilà pourquoi la participation à la Sainte Communion est liée au parcours spirituel de vie globale des fidèles. Lorsque nous abordons la Sainte Communion non purifiés et impénitents, nous sommes condamnés (brûlés). La Sainte Communion en nous devient “enfer” et “mort spirituelle” (voir 1 Cor. 11: 30, etc.). Non pas parce qu'elle se transforme en ces choses, bien sûr, mais parce que notre propre impureté ne peut pas accepter la Sainte Communion comme “paradis." Étant donné que la Sainte Communion est appelée “le remède de l'immortalité" (Saint Ignace le Théophore, IIe siècle), la même chose se produit exactement comme avec tout remède. Si notre organisme n'a pas les conditions préalables pour absorber le médicament, alors le médicament va produire des effets secondaires, et il peut tuer au lieu de guérir. Ce n’est pas le remède qui est responsable, mais la condition de notre organisme. Il faut souligner que, si nous n’acceptons pas le christianisme comme processus thérapeutique, et ses saints mystères/sacrements comme remèdes spirituels, alors nous sommes conduits à une "religionisation" du christianisme; en d'autres termes, nous "l’idolatrons ”. Et malheureusement, ce phénomène est fréquent lorsque nous percevons le christianisme comme une “religion”. En outre, cette durée de vie [qui est nôtre] est évaluée à la lumière du critère double du paradis-enfer. “Cherchez d'abord le royaume de Dieu et Sa justice, ” nous enseigne le Christ (Mt. 6: 33). Saint Basile le Grand le dit à la jeunesse (ch.3) "Tout ce que nous faisons est en préparation d'une autre vie." Notre vie doit être une préparation continue pour notre participation au paradis - notre communion avec l'Incréé (Jean 17: 3). Tout commence à partir de cette vie. Voilà pourquoi l'apôtre Paul dit: “Voici maintenant le moment opportun Voici maintenant le jour de la rédemption." (2 Cor. 6: 2) Chaque moment de notre vie est d'une importance rédemptrice. Soit nous gagnons l'éternité, la communauté éternelle avec Dieu, soit nous la perdons. Voilà pourquoi les religions orientales et les cultes qui prêchent les réincarnations blessent l'humanité: ils transfèrent pratiquement le problème à d'autres vies (inexistantes bien sûr). La vérité est, cependant, que seule une vie est disponible pour chacun de nous, que nous soyons sauvés ou condamnés. Voilà pourquoi Basile le Grand poursuit: “Nous devons donc proclamer que ces choses qui nous mènent vers cette vie devraient être célébrées et recherchées avec toute notre force, et celles qui ne nous conduisent pas à cette destination, nous 8 devrions les ignorer, comme choses d’aucune valeur." Tels sont les critères de la vie chrétienne. Un chrétien choisit en permanence tout ce qui favorise son salut. Nous gagnons ou perdons le paradis, et finissons en enfer, déjà au cours de notre vie. Voilà pourquoi Jean l'Evangéliste dit: “ Dieu, en effet, n'a pas envoyé Son Fils dans le monde pour qu'Il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui. Celui qui croit en Lui n'est point jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. ” (Jn 3: 17-18). Par conséquent, le travail de l'Eglise n’est pas "d’envoyer" les gens au paradis ou en enfer, mais de les préparer au Jugement Dernier. Le travail du clergé est thérapeutique et non moraliste ou modeleur de caractère, dans le sens temporel du mot. Le but de la thérapie offerte par l'Église n’est pas de créer des citoyens "utiles" et essentiellement “utilisables,” mais des citoyens du royaume céleste (incréé). Ces citoyens sont les confesseurs et les martyrs et les vrais fidèles, les saints... Toutefois, c’est aussi le moyen par lequel notre mission est dirigée: A quoi invitons-nous les gens? A l'Eglise comme à un hôpital, un Centre de thérapie [spirituels], ou tout simplement à une idéologie qui est étiquetée comme “chrétienne”? Plus souvent qu'à notre tour, nous nous efforçons de nous assurer une place dans le “paradis”, au lieu de chercher à être guéris. Voilà pourquoi nous nous concentrons sur les rites, et non sur la thérapie. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faut dévaluer le culte. Mais, sans l'ascèse (l’exercice spirituel, le mode de vie ascétique, les actes de thérapie), le culte ne peut pas nous sanctifier. La grâce qui se déverse à partir d’elle, reste inerte en nous. L’Orthodoxie ne fait pas promesses d'envoyer des hommes à toutes sortes de paradis ou d'enfer; mais elle a le pouvoir (comme en témoignent les reliques incorruptibles et thaumaturges de nos saints [incorruptibilité=theosis/ déification]) de préparer l'homme, afin qu'il puisse toujours considérer la Grâce Incréé et le Royaume du Christ comme Paradis, et non comme enfer.
PERE GEORGE [Metallinos]:LE PARADIS ET L’ENFER SELON LA DOCTRINE ORTHODOXE
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